Le Chapeau de Tétragonie

Le Chapeau de Tétragonie
Benoît Fourchard
Seuil jeunesse, 2016

Voyage en loufoquerie

Par Marion Mas

Henri, le narrateur, jeune garçon timide et solitaire est pourvu de parents détestables : une mère effacée et indifférente et un père, se baptisant lui-même « Richard, le roi du placard » (il en fabrique), qui l’assomme de lieux communs sans jamais l’écouter. Au collège, ce n’est pas mieux : parce qu’il s’entend bien avec sa grand-mère et aime les araignées, on le trouve « bizarre ». Mais le jour où il découvre un chapeau dans la rue, sa vie bascule : c’est un beau chapeau, un peu ancien.  Comme il se demande à qui il peut appartenir, une jeune fille rousse surgit – précisément la fille dont il est amoureux à l’école. Elle lui lance une sorte de défi : lui révéler son prénom s’il retrouve le propriétaire du chapeau. Aussitôt, Henri se lance une quête qui le mène en Tétragonie, un pays étrange peuplé de ragondins et de personnages loufoques. Les aventures se multiplient jusqu’à ce que, ayant atteint le cabaret du bout du monde, Henri ait enfin le mot de l’énigme.

Le récit épouse la logique du rêve : le narrateur passe sans transition d’un univers à un autre, d’une épreuve à une autre. Comme dans un rêve aussi, ces épreuves sont celles de l’inconscient. La nuit passée dans le château de M. Aigre, le chapelier de Tétragonie, conduit le narrateur à rejouer une scène traumatique et à s’en libérer. Son voyage est également l’occasion, pour ce garçon timide, de s’avouer ses désirs et de se donner les moyens de les réaliser. Enfin, rappelant le monde des Aventures d’Alice au pays des merveilles, la Tétragonie est un lieu de contestation de l’arbitraire du langage et du caractère sclérosant des discours. La rencontre de personnages pratiquant systématiquement un dérèglement créateur du lexique et de la syntaxe permet progressivement au héros de se percevoir autrement qu’à travers les étiquettes que les autres lui accolent. Sur le ton de la fantaisie, ce roman est une belle réflexion sur la puissance émancipatrice de l’imaginaire et du langage.

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