Le Loup ne viendra pas

Le Loup ne viendra pas
Myriam Ouyessad – Ronan Badel
L’élan vert

Loup, y es-tu ?

Par Michel Driol

Dès la couverture, tout semble dit : un petit lapin terrifié dans son lit et l’ombre du loup. L’expressionnisme allemand relooké aux couleurs pastel. Dans son lit, le petit lapin questionne : « Tu es sure que le loup ne viendra pas ? ». Maman lapin rassure : les chasseurs les ont chassés, ils se cachent dans les bois, très loin,  il se ferait écraser par les voitures en ville, ne pourrait pas prendre l’ascenseur…  A chaque fin de page, le petit lapin relance « Comment tu peux en être sure ? ». Jusqu’au moment où on frappe à la porte, et que le petit lapin se précipite pour ouvrir « C’est surement le loup ! ». Changement de décor : on quitte la chambre à coucher pour découvrir un séjour, avec les restes d’une fête d’anniversaire : gâteau, ballons, cadeaux ouverts.  Et c’est le loup qui arrive, pour fêter l’anniversaire.  La chute est inattendue et désopilante : le loup dégustant sa part de gâteau entre les parents quelque peu interloqués.

L’album prend le contrepied des situations traditionnelles de peur du loup. Le loup est attendu, désiré par le petit lapin, et se montre plus fort que toutes les embuches tendues pour l’empêcher de rejoindre le lapin, le jour de son anniversaire. Le dispositif narratif est simple et efficace : page de gauche, le texte sous forme de dialogue, et la chambre du lapin, où l’on voit la maman ranger les vêtements, couvrir l’enfant, dans une atmosphère de grande quiétude. Page de droite l’extérieur, avec la forêt et les chasseurs, le bois, la ville la rue, l’immeuble, l’ascenseur. Les couleurs pastels, avec leurs dominantes de bleu (comme la robe de la maman) et d’ocre (comme le pelage du loup), unissent les deux univers, l’intérieur et l’extérieur, alors que les dernières pages font appel à plus de rose (le pyjama, le cadeau). L’un des intérêts de l’album est qu’il piège le lecteur qui se méprend, comme la maman, sur les sentiments du petit lapin : là où on voit de la peur et l’inquiétude irrationnelle du soir, on est en fait dans le désir et la confiance dans la force tranquille du loup qui se révèle pacifique. Si les ennemis traditionnels sont réconciliés, sans qu’on sache où et comment le loup et le lapin sont entrés en contact, l’album joue surtout sur les réponses stéréotypées, et montre combien il est parfois difficile pour les parents de comprendre ce que souhaitent réellement leurs enfants.

Un album malin, tendre et drôle qui montre que la compréhension n’est qu’un cas particulier de malentendu.

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