Pas chez nous !

Pas chez nous !
Yaël Hassan
Le Muscadier – Collection Rester vivant – 2022

Bienvenue à B* ?

Par Michel Driol

La préfecture décide d’ouvrir  à B*, bourgade du Var, un foyer pour accueillir une quinzaine de migrants, au grand dam de son maire, d’extrême droite. Plutôt que de résumer le roman, afin de laisser à chaque lectrice et lecteur le plaisir de suivre l’intrigue, on va en donner la liste des principaux personnages. D’abord l’héroïne, Amélie, fille du maire, qui rêve de liberté, et est tombée amoureuse d’Anton, un néofasciste violent. Sa principale amie, Clara, bien différente d’elle, fille du directeur du journal, élève sérieuse et ouverte, qui rêve de devenir journaliste. Issam, un jeune migrant dont toute la famille a péri en Syrie. Et, du côté des adultes, le père et la mère qu’Amélie, que tout oppose (l’un d’extrême droite, hostile aux migrants, l’autre de gauche, favorable), Crystel qui a monté une association pour le vivre ensemble, et la grand-mère d’Amélie, ancienne institutrice fortement opposée aux idées de son fils.

Ecrit en suivant au plus près le point de vue d’Amélie, le roman ne se refuse pas à une certaine polyphonie, en prenant en compte différents regards sur l’accueil des migrants et demandeurs d’asile, mettant en particulier en évidence, au-delà du refus idéologique de l’extrême droite, cette peur de l’inconnu qui disparait lorsque l’inconnu devient connu. Le roman s’inscrit dans un espace géographique bien délimité, le Var, pour une intrigue pleine – hélas- de réalisme, dans une petite communauté où tout le monde se connait. Dans ce quasi huis-clos en plein air, il montre surtout que les certitudes peuvent vaciller, et que tout le monde peut évoluer dans le bon sens, et prendre conscience, à son rythme, des dangers que représente l’extrême droite, dangers que le roman expose sans fard : tags sur les murs, certes, mais surtout haine des juifs et des étrangers, violence sans limite et incontrôlable. Les deux adolescentes, Amélie et Clara, sortent grandies et transformées des événements qu’elles traversent. A un certain moment, il faut savoir dire non, ce que font, petit à petit, tous les personnages que Yaël Hassan traite avec empathie – à l’exception des néonazis. Avec une mention spéciale pour le personnage du père d’Amélie, véritable caricature du politicien récupérant tout à son avantage, sans grande conviction au fond. Malgré son côté sombre, c’est un roman optimiste, dont l’auteur indique que le déroulement et le dénouement lui ont été inspirés par la réalité.

Un roman qui résonne avec l’actualité récente, comme de nombreux autres ouvrages de littérature jeunesse qui n’hésitent pas à s’engager au nom des valeurs d’hospitalité et d’ouverture aux autres, comme ces auteurs à laquelle la bibliothécaire jeunesse que rencontre Amélie rend hommage, comme un clin d’œil adressée par Yaël Hassan à celles et à ceux qui, comme elle, croient que la littérature pour la jeunesse peut ouvrir les yeux sur le monde contemporain et faire changer les représentations et préjugés.

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