Mille arbres

Mille arbres
Caroline Lamarche Illustrations d’Aurélia Deschamps
CotCotCot éditions 2022

Zone à Défendre

Par Michel Driol

On projette de construire une autoroute qui coupera la vallée en deux, juste aux pieds d’une forêt plus que centaine, plantée là par des moines, et depuis soigneusement entretenue, en particulier par les grands parents du narrateur. L’autoroute doit passer juste au bord du jardin de sa grand-mère, au pied d’un tilleul centenaire dans lequel est mort son grand père. Le projet, porté par un ingénieur, soutenu par les politiques, est vivement combattu par les riverains, dont le père de Diane, l’amie du narrateur. Après courriers, réunions publiques, distribution de tracts, les deux enfants s’installent dans une cabane construite sur l’arbre, leur zone à défendre.

Issu d’une pièce radiophonique que Caroline Lamarche avait écrite pour France Culture, ce roman aborde bien des thèmes qui font, hélas, notre actualité, autour de personnages bien marqués. Il y a le narrateur, François, un brin rêveur, qui découvrira son histoire familiale. Il y a Diane, sportive, engagée, libre et pleine d’allant. Il y a aussi l’ingénieur, qui répond paradoxalement au nom de Prévert, archétype des technocrates qui pensent agir pour améliorer les conditions de vie. Autour de ces trois personnages phares tournent une galerie de personnages secondaires, tous habitant le même village, se connaissant bien, se fréquentant le dimanche matin à la messe. Ce que le roman montre, c’est l’opposition entre deux mondes qui se côtoient, mais sont loin de partager les mêmes valeurs. D’un côté, les politiques, qui sont en fait complètement sous l’influence des technocrates, des « ingénieurs », qui leur dictent leurs projets, pensant aller dans le sens du progrès (plus de voitures, donc plus de déplacements, donc des autoroutes…) et qui y voient quelque part une reprise d’activité pour leur communes. De l’autre, les riverains, attachés à une tradition séculaire de vie en symbiose avec la nature, symbolisée ici par cette forêt dont on prend soin. Pour eux, ce projet est un immense gâchis écologiste. Le roman a l’intérêt d’aborder cette question de la lutte contre des projets écocides dans une langue  proche de l’oralité, tant dans la syntaxe que dans le lexique. On y entend réellement parler François, le narrateur, et cela le rend proche du lecteur. Ensuite il l’aborde avec des symboles forts : d’un côté celui de ce tilleul magnifique, un arbre-bateau (et on songe à ce beau symbole de l’arbre, de l’arbre maison dans toute la littérature pour la jeunesse), de l’autre les mots de l’ingénieur Prévert qui parle de recoudre la vallée que l’autoroute aura décousue. Mais tout peut-il être recousu ? Il s’inscrit enfin dans une tradition propre au roman pour la jeunesse, proche de Robinson ou du Baron perché… Les illustrations d’Aurélia Deschamps, pratiquement bicolores oranger et bleu, apportent une respiration plutôt poétique à ce texte, respiration qui devient apocalyptique sur la seule double page centrale qui montre l’autoroute coupant la vallée, métaphoriquement coupant le livre… Une postface documentaire, bien documentée, pleine de clarté et de pertinence, met en perspective cette histoire, la cabane dans l’arbre de François et Diane, avec le combat des Zadistes, du Larzac à Notre Dame des Landes.

Un livre engagé dans la défense de l’environnement, pour montrer aux jeunes générations la valeur et le sens de la lutte, et leur rappeler que Demain se fera avec elles.

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