Le Son du silence

Le Son du silence
Katrina Goldsaito, Julia Kuo,
HongFei, 2023

à la recherche du « ma ».

Par Lidia Filippini

Sur le chemin de l’école, Yoshio, jeune garçon japonais se délecte des bruits de la ville. L’écho de la pluie sur son parapluie, le vrombissement des moteurs, le claquement de ses bottes dans les flaques, le son joyeux de son rire, tout le ravit dans ce concert urbain. Soudain, une musique attire son attention. C’est une joueuse de koto qui a installé son instrument dans la rue. La musique est belle, parfois aiguë, parfois grave. Fasciné, Yoshio approche. Lui qui aime tellement les sons, il veut savoir quel est celui que la vieille musicienne préfère. « Le son le plus beau, lui répond-elle, est le ma, le son du silence. »
C’est ainsi que commence la quête de Yoshio. Où trouver le silence dans la grande ville sans cesse en mouvement ? Certainement pas dans la cour de l’école, ni à la maison, encore moins à la gare. Même la nuit, les bruits s’infiltrent dans ses rêves.
C’est finalement par hasard que Yoshio fait la connaissance du silence. Plongé dans la lecture d’un livre, il oublie le monde autour de lui et comprend soudain que le ma est partout pour qui veut l’entendre. Il suffit pour cela d’entrer en soi et de l’accueillir.
Un album doux et plein de poésie qui met en lumière un concept peu connu en France mais qui est au cœur de l’art japonais. Ce « ma », envisagé ici comme le silence entre deux notes qui, paradoxalement, permet à la musique d’exister, peut également prendre la forme de l’espace entre deux fleurs dans l’art de l’ikebana, de l’instant qui sépare deux mouvements de danse ou du temps suspendu entre deux répliques au théâtre.
Il est ici le prétexte à une quête de soi dans laquelle le jeune lecteur est entraîné dès la couverture. L’oxymore du titre fait en effet écho à l’illustration qui oppose une foule compacte – qu’on imagine bruyante – en noir et blanc, à un Yoshio vêtu de couleurs vives et silencieux. La grande avenue vide qui s’ouvre derrière le garçon semble inviter le lecteur à partir avec lui à la recherche du son du silence et de lui-même. Et, qui sait, peut-être trouvera-t-il lui aussi le ma en se plongeant dans la lecture de cet album ?
Julia Kuo, l’illustratrice, nous offre une image très graphique et géométrique avec des lignes de fuites marquées. Le Japon qu’elle nous présente est un plaisir pour les yeux. L’album semble s’adresser à des lecteurs de huit à dix ans qui y trouveront de quoi satisfaire leur curiosité sur la vie nippone. On y voit l’espace extérieur familier aux enfants : la rue, l’école. Mais aussi des scènes de la vie quotidienne comme le repas ou le bain japonais. En cela, cet album constitue une autre forme d’invitation au voyage, non plus seulement intérieur, mais bien réel cette fois.

 

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