Amie

Amie
Icinori
La Partie 2024

Le sommeil de la raison…

Par Michel Driol

Que se cache-t-il sous la couverture intrigante ? Un doudou ? un animal ? Un fantôme ? Une ombre qui rôde, inquiétante, démentant le titre, amie ? Les pages de garde présentent un paysage urbain aux maisons bien uniformes, tandis qu’un adulte entraine un enfant. Question de l’enfant : Qu’y a-t-il là-bas, au–delà des montagnes ? Réponse de l’adulte : Viens, la nuit tombe. Puis les images montrent l’animal de couverture, une chauvesouris, pénétrer dans la chambre de l’enfant, et l’emmener dans une grotte, dans un paysage peuplé d’étranges animaux,  dans un somptueux palais habité par un singe géant, et c’est le retour au petit matin, au petit déjeuner.

Très concis, minimaliste, le texte joue à la façon des cartons des films muets, posant quelques repères temporels, des paroles, des indications de lieu. Mais l’essentiel est dans les illustrations très oniriques, aux dominantes rouges et vert, qui disent le pouvoir de l’imagination de s’affranchir des limites pour aller dans un monde fantastique qui n’a rien d’effrayant. C’est un enlèvement, mais tout est bienveillant. Pas de maxi monstres dans le pays que l’on parcourt, mais une sorte de grâce animale, florale, où rien n’est ce qu’il semble être, à bien y regarder de près. Les pattes d’un animal sont des mains humaines, les têtes sont des fleurs. Le serpent menaçant a deux jambes humaines… Cet imaginaire envoie aussi à des images connues des adultes au moins : images du paradis terrestre, de certains tableaux de la Renaissance évoqués par la perspective des colonnes ou les paysages bucoliques visibles à travers les arches, singes aveugles, muets et sourds…

Cette ode à l’imagination, qui invite à aller au-delà des montagnes, au-delà de la nuit, protégé par cette amie qui sert de guide, de passeur se déroule dans un univers graphique bien particulier. On y trouve à la fois des lignes rouges et vertes, très géométriques, tantôt droites, tantôt courbes  mais aussi des formes plus fluides. Chaque image est construite à partir d’une profusion d’objets, de techniques qui introduisent vraiment dans un autre univers mystérieux, bien loin de la sagesse monotone des petites maisons des pages de garde.

Icinori, un duo d’artistes composé de Mayumi Otero et de Raphaël Urwiller, propose ici un rêve insolite, merveilleux, pour donner envie de s’évader loin du réel terne, fade et ennuyeux.

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