Quand s’envolent les cigognes

Quand s’envolent les cigognes
Sarah Taloté
Casterman 2025

Chronique d’un été lituanien

Par Michel Driol

Upé et Gelynas se connaissent depuis l’enfance. Ils ont grandi dans le même petit village. Lui est atteint de troubles schizophrènes, envisage de changer d’identité. Elle a passé une année à l’université à Vilnius, mais ne souhaite pas y retourner. Et, comme à la fin de chaque été, les cigognes s’envolent…

Voilà un premier roman qui parvient à rendre bien compte de la douceur de l’été dans les campagnes lituaniennes, à travers des descriptions de l’atmosphère, des paysages, des lacs, et de l’envol attendu des cigognes.  L’autrice y oppose deux modes de vie, celui de la campagne et celui de la ville, de la vie estudiantine à Vilnius. Elle parvient ainsi à entrecroiser différents thèmes, les uns sur un mode majeur, les autres sur un mode mineur. D’abord la relation très singulière entre Upé et Gelynas, avec le portrait très attachant de ces deux personnages inséparables, et si différents. Relation de longue date, dont on se demande si elle va se transformer en un amour naissant tout au long du récit. Ensuite la relation entre la jeune campagnarde et les autres étudiants, nés à Vilnius, imbus de leur supériorité, et qui cherchent à la modeler à leur image. Se détache en particulier le personnage de Vakaris, qui révèle petit à petit sa toxicité à l’égard d’Upé.  Nombre de lectrices et de lecteurs reconnaitront sans peine ce genre de situation d’emprise exercée par ceux qui se croient tout puissants face à ceux qui viennent d’ailleurs, et n’ont pas les mêmes codes. Se profile aussi l’histoire de la Lituanie, les souvenirs d’un vieil habitant du village quant aux poèmes plus ou moins clandestins de l’époque soviétique. Symboliquement enfin, ces cigognes qui s’envolent, ce sont aussi les deux héros qui vont quitter la douceur de l’enfance pour entrer dans un autre âge, celui où on décide de sa vie et de son avenir. Tous ces thèmes s’entremêlent dans une structure complexe. La ligne de base, c’est le récit de la fin de l’été.  Mais cette ligne de récit est entrecoupée de retours en arrière, qui permettent d’évoquer la vie d’Upé à Vilnius, et conduisent progressivement le lecteur à comprendre pourquoi elle ne veut pas retourner à l’Université.

Avec ce titre comme un clin d’œil au film de Mikhaïl Kalatozov, dans un décor splendide, fait de forêts et de grands lacs, un roman sensible qui évoque la vie d’une communauté villageoise autour d’un bar, et la relation complexe entre deux jeunes gens à l’âge des premiers amours.

 

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