Djibril

Djibril
Emilie Chazerand – illustrations Betty Bone
L’élan vert 2023

Lettres à l’absent

Par Michel Driol

Djibril, lycéen écrit des e-mails à son frère ainé Souley, parti à Dublin où il a trouvé la mort. Une dizaine de lettres, qui s’étalent entre juin 2023 et fin décembre 2023, dans lesquelles il tente de faire son deuil en racontant sa vie, ses activités, ses rapports avec ses parents, avec les files aussi, Prisca et Sarah.

Djibril exprime son mal-être dans une langue puissante et précise. Il est à la fois métisse, musulman et fils d’une famille aisée : la mère est artiste, le père ingénieur agronome. Il ne correspond pas aux stéréotypes et tente de s’en débarrasser pour être lui, avec ses peurs, peur de ne pas être à la hauteur dans ses rapports avec les filles, peur aussi de se retrouver seul, sans ce frère qui a fait le choix de quitter sa famille. Moment clef de la vie, le récit commence par un sauvetage, dans lequel Djibril sauve de la noyade Prisca, qui ne le remercie pas. Moment clef dans lequel Djibril est comme paralysé par la mort de son frère, et ne fait plus rien. Cette façon de mariner, comme dirait Roland Barthes, est dite dans des phrases courtes, imagées, fortes, pleines d’expressivité.  Djibril fait tout pour retrouver le gout de vivre, et c’est l’occasion aussi pour l’autrice de montrer quelques scènes de la vie : cours d’Education physique au lycée, soirées d’anniversaire, ou cette scène étonnante où Djibril se fait engager comme baby-sitter par le fils d’une grande bourgeoise qui parvient à l’imposer à sa mère. Tout ceci dénote un fort sens des rapports sociaux et une vision sans concession de la société. Tout se termine par une belle scène d’amour entre Djibril et Sarah, scène qui scelle l’acceptation du départ de Souley, et la promesse d’un nouveau futur, où Souley ne sera pas oublié, mais où la vie continuera. Ces lettres forment donc comme un beau roman, dont les phrases ont souvent la force du coup de poing percutant, sur le deuil.

Le texte est doublement illustré : d’une part par Betty Bone, qui isole certaines scènes, certains détails porteurs de sens, en particulier les moments où Djibril écrit, mais aussi par des reproductions d’œuvres d’art qui résonnent avec ce que vit Djibril. Œuvres d’artistes très différents, qui vont de l’Origine du monde de Courbet à un masque baoulé, en passant par Delaunay ou Caillebotte. Impossible de tous les citer, mais disons que cela, en illustration de certaines phrases du texte isolées dans une graphie différente, donne une épaisseur supplémentaire au texte et invite à considérer d’un autre œil cette conversation entre le texte et le tableau, entre le monde contemporain et le passé plus ou moins récent

Roman fort, sur un thème grave, avec une écriture qui laisse l’émotion jaillir, envahir le texte, qui exprime les doutes, les inquiétudes d’un adolescent qui cherche des repères après la mort de son frère ainé. Signalons enfin que ce roman est en écho avec Prisca, autre roman de la même autrice, dans la même collection, façon de montrer ces deux personnages qui se croisent dans le même lycée.

Ernest est à l’ouest

Ernest est à l’ouest
Fabien Arca et Ema Constant
Rouergue dacodac 2023

Fragments du discours amoureux…

Par Michel Driol

Le jour de la rentrée scolaire, Ernest est subjugué par Anne L’Or, et ses grands yeux vert émeraude. Mais, entre récits mythomanes et silences gênants, que lui dire ? Comment expliquer les troubles corporels et langagiers qui le saisissent ? Peut-on être jaloux à 10 ans ? Serait-il amoureux ?

Le roman est d’abord plein de drôlerie. Par son narrateur d’abord, sympathique, attachant, naïf et gaffeur, élève qui n’a rien d’un surdoué ! Il n’est pas le seul personnage farfelu : le maitre, M. Kero, est un enseignant à la fois trop typique (colérique, sévère, redouté…) et atypique (ah ! cette leçon sur les sandwichs pour faire toucher du doigt les questions de la différence et des origines !). Ajoutons à cela l’invention verbale de l’auteur dans les noms des camarades de classe d’Ernest et une série de situations de plus en plus improbables, qui vont du travail en commun aux mensonges du frère ainé… pour culminer avec la fête de l’école. L’improbable vient de ce léger décalage entre ce qui pourrait être réel dans la vie et ce que le hasard et les pensées du narrateur en font ! Ce décalage est aussi présent dans les nombreuses erreurs d’orthographe d’Ernest, qui, en fait, révèlent un autre sens, un autre message amoureux. Cet humour du texte fait d’Ernest un digne descendant du petit Nicolas, dans le discours sur l’école, les copains, la famille…

Au delà de ce comique, l’auteur tente de faire ressentir, à hauteur d’enfant, ces troubles liés au premier amour, avec beaucoup de délicatesse, sans jamais s’en moquer. C’est l’inquiétude devant le nouveau, l’incompréhension, les hésitations sur les conduites à tenir, la façon d’interpréter ou de sur interpréter les moindres détails qui sont ici racontées par un narrateur bien surpris par lui-même. A son tour d’éprouver des chamboulements intérieurs, de se trouver, à partir de presque rien, soumis à des émotions bien contradictoires ! C’est aussi en donnant la parole à ses personnages (la touchante lettre d’Anne L’Or à sa grand-mère, par exemple) que l’auteur cherche à être au plus près des émotions et sentiments des enfants.

Les  illustrations en noir et blanc d’Emma Constant renforcent souvent l’effet caricature de certains passages de ce roman, véritable éducation sentimentale et affective.

C’est bien ma chance

C’est bien ma chance
François David
Calicot 2023

Une déclaration

Par Michel Driol

Timmy, le narrateur, voudrait bien attirer l’attention de Mei, une élève d’origine chinoise, qui fréquente le même collège que lui.  Il commence par apprendre quelques mots de chinois, puis à en calligraphier quelques-uns, jusqu’au jour où Mei lui donne un baiser. Il est alors la victime de harcèlements racistes. Découvrant, par hasard, la date de naissance Mei, il lui offre des pensées, qu’elle lui jette à la figure, avant de l’ignorer. Lorsqu’il la sauve sur un passage piéton, elle lui avoue qu’elle est daltonienne, et qu’avant de comprendre que les pensées sont bleues, elle les a vues jaunes, couleur qu’on n’offre pas à une fille, en Chine.

Ce court roman vaut d’abord par la singularité de son narrateur, qui calcule souvent les chances de réussir de ses entreprises en termes de probabilités, peut-être comme un façon quasi magique de se rassurer ou de surmonter sa timidité. A partir de cette tendre  histoire d’amour naissante, l’auteur aborde, sans s’y appesantir, différents sujets. Le harcèlement scolaire, sur fond de racisme latent, manifestation aussi qu’à cet âge-là celui qui ne ressemble pas au groupe, ne se conforme pas à ses règles tacites est exclu, voire frappé. C’est aussi la question de l’interculturalité, avec cette relation entre une orientale et un occidental, au-delà de la différence de langue orale et écrite. C’est enfin la question d’un handicap, celui du daltonisme, source de malentendus mais aussi de mise en danger de celui qui le porte. Le tout est traité avec ce qu’il faut d’autodérision, de crainte, d’humour et d’espoir pour que l’on s’intéresse à ce sympathique personnage de narrateur qui cherche à comprendre et à être reconnu avant de juger.

Un roman d’initiation amoureuse, facile à lire, qui soulève avec humanité  bien des problématiques auxquelles les adolescents d’aujourd’hui sont confrontés.

Une Semaine dans la peau de mon frère

Une Semaine dans la peau de mon frère
Nadia Coste, Silène Edgar
Syros, 2023

Tout un programme

Par Anne-Marie Mercier

Après Trois jours dans la peau d’un garçon, ou dans celle d’un personnage de fiction, ou un jour (c’est sans doute assez…), Vendredi, dans la peau de ma prof, le duo formé par Nadia Coste et Silène Edgar propose un autre changement de point de vue. Il est moins radical a priori : les deux héros sont tous deux humains, ils sont de même sexe, ont un âge proche, appartiennent à la même fratrie et vont en classe dans le même collège.
Mais entre le geek et le sportif, le courant passe mal. Cette expérience va donc les obliger à considérer la vie de l’autre, le considérer, prendre grâce à lui confiance en soi et en l’autre, avancer, pour bien sûr revenir à l’étape précédente, en mieux.
Le système de narration alterné est un peu sportif, de même que les interversions de prénoms (Kilian devient Nolan et vice-versa, mais seulement extérieurement, vous suivez ?) mais un système d’icônes permet de s’y retrouver.
On parcourt tous les lieux et thèmes du collège : la cantine, la cour, les salles de cour, le stade, le trajet depuis la maison, le harcèlement, les leaders, la question des notes, les révisions, les copains qu’on perd de vue en changeant de classe. On aborde de ombreuses questions sur les relations entre parents et enfants (travail domestique, une chambre à soi, libertés…) et cette famille est bien normale, c’est reposant. C’est aussi plein de bons sentiments, de refus du sexisme et du suivisme. Les personnages sont courageux, ou le deviennent, chacun à leur tour ; le personnage de la fille, conseillère, amoureuse, amie, est un moteur pour l’un comme pour l’autre et les autres personnages secondaires sont bien campés. Le récit étant pris en charge par les deux frères alternativement, l’un en cinquième, l’autre en troisième, et les auteures ayant fait le choix d’imiter sans grande fantaisie la langue de leur âge et de leur temps, ce n’est pas de la grande littérature, mais c’est très lisible, à tous les sens du terme la typographie est très claire et aérée).
Sur le même thème on peut aussi revenir aux classiques (je ne note que ceux qui proposent un changement de sexe) : Le Merveilleux Pays d’Oz (2e volume du cycle de Frank Lyman Baum), le très merveilleux La Nouvelle Robe de Bill d’Ann Fine et, plus récents, Dans la peau d’une fille, (Aline Méchin, 2002), Le Jour du slip, et Je porte la culotte (Anne Percin et Thomas Gornet, 2013) qui proposent deux points de vue dans deux parties d’un même volume selon le principe de la collection Boomerang). Pour les plus âgés, le roman un peu violent de Lauren McLaughlin, Cinq jours par mois dans la peau d’un garçon (Cycler, 2008), et le très conceptuel et malin A comme aujourd’hui (David Levitan, 2012) qui propose des sauts brefs (une journée) dans de multiples identités : décoiffant !

 

L’Amour en poche

L’Amour en poche
Eric Sanvoisin – Illustrations de Nadège Baumann
Editions du pourquoi pas ?? 2024

Chez elle, chez lui, chez eux, chez eux

Par Michel Driol

Depuis que ses parents se sont séparés, Youen a quatre maisons. Chez maman, soleil et gâteaux. Chez papa, guitare et chansons. Chez les parents de maman, histoires, gouter et chat. Chez les parents de papa, chien et bricolage.

La situation de Youen est celle de nombreux enfants d’aujourd’hui. Le texte suit le petit garçon dans les différentes maisons, mettant l’accent sur ce qui fait la singularité des adultes qui y habitent. Ce qui frappe, c’est la dimension des activités qu’on y pratique et surtout des plaisirs divers qu’on y éprouve, générant des bonheurs différents, tous indispensables à l’épanouissement de l’enfant. Comme un fil rouge entre toutes ces situations, chaque chapitre se clôt sur un objet transitionnel que chacun glisse dans  la poche de Youen, objet dont on ne connait que les qualités : précieux, fragile, lumineux et doux, objets symboliques de l’amour transmis. La poésie du texte vient de sa façon de métamorphoser le réel : ainsi l’explication de la séparation par des cœurs qui ne sont plus à l’unisson. Elle vient aussi des sensations qui envahissent le texte : sens des odeurs, du toucher. Elle vient enfin de la légèreté avec laquelle cette situation, possiblement lourde de tensions, est abordée, montrant que l’amour et l’affection sont les plus forts. Très colorées, très lumineuses, les illustrations de Nadège Baumann contribuent à réunir les quatre univers en composant des images du bonheur.

Un texte qui montre avec délicatesse la richesse de ce que chacun peut apporter à un enfant qui n’a pas à souffrir de la séparation de ses parents.

Courage, petit ours !

Courage, petit ours !
Steve Small
Sarbacane 2023

Affronter la tempête !

Par Michel Driol

Fin d’hiver. Il y a dans la tanière Maman Ours, Eva l’intrépide et son frère Arlo qui aime la sécurité de l’abri. Mais c’est le jour où il faut traverser la montagne pour aller dans la Vallée du Printemps. Lorsque les trois ours affrontent une tempête de neige, Arlo s’aperçoit que sa sœur n’est plus là. Il part à sa recherche au milieu du blizzard, la retrouve, et tous deux suivent tant bien que mal les traces de leur mère jusqu’à la vallée tant attendue.

C’est bien un album dans lequel nombre d’enfants se reconnaitront car il fait appel à des sentiments puissants et bien partagés. Le plaisir de la maison, de la famille, le repli sur soi, sur ce qu’on connait. L’amour fraternel, comme un lien très fort qui fait qu’on accepte les différences, et qu’on va tout tenter pour retrouver l’autre qui s’est perdu. L’album pose la question de la peur et du courage à travers un personnage adorable de petit ours casanier confronté à une sœur aventurière, prompte à découvrir le monde, à grimper aux arbres. Son exact contraire ! C’est maman ourse qui tente de lui donner confiance en lui : Suis moi, mon petit ours courageux… Le texte, au plus près des sentiments, des émotions, des peurs d’Arlo nous permet de nous identifier à lui, de suivre son point de vue avec empathie. Il est tellement humain, ce petit ours, dans son envie de famille, d’amour, de sécurité, dans son désir aussi de sauver sa sœur en oubliant ses peurs.

Steve Small a d’abord beaucoup travaillé dans l’animation, et cela se sent dans ses illustrations à la fois réalistes et poétiques. Des oursons aux yeux grands ouverts, prêts à découvrir le monde avec désir ou inquiétude.  Illustrations tout en rondeur pour montrer la sécurité de la bulle qu’est la tanière, avec ces boules rondes concentriques. Plans larges de la grande forêt que les ours minuscules traversent. Pas lourds de la mère, suivie de son petit, traversant la tempête. Les dessins montrent l’épreuve difficile. Et puis, gros plans sur le frère et la sœur, d’abord isolés, puis ensemble, pistant les traces de pas de leur mère, se secourant lorsque l’un glisse… Et enfin le happy end attendu, image du bonheur, du printemps, des retrouvailles… avant une dernière image où Arlo retrouve le confort de dormir serré contre sa mère et sa sœur. Les dessins des oursons sont pleins d’expressivité pour nous les faire trouver adorables !

Etre courageux quand on a peur, c’est le plus grand des courages, conclut Maman Ourse. Cet album plein de tendresse prend la forme d’un récit initiatique pour  le montrer, à travers un petit ours timide, manquant de confiance en lui, et si craquant !

Opération Cupidon

Opération Cupidon
Emilie Chazerand – Joëlle Dreidemy
Editions Sarbacane – Pepix – 2023

Il est des jours où Cupidon s’en mêle (ou s’emmêle)

Par Michel Driol

Vous avez, comme le héros, 11 ans et quart, deux papas (ce qui ne pose pas de problèmes, sauf quand ils vous obligent à faire du jiu-jitsu brésilien) et une certaine insensibilité aux autres, sauf à Coralie, votre voisine du dessous, qui vous lance un SOS parce qu’elle vient d’apprendre que ses parents divorcent. Cela vous contrarie car elle n’habitera plus l’appartement du dessous…

Voici le point de départ de ce nouveau roman, mais en voilà les ingrédients. D’abord un héros au nom improbable, et surtout imprononçable (Jean-Moulin Glavio-Zumgeburtstagvielglück, comme un défi aux méthodes de lecture syllabiques !). Ajoutez son snobisme, le fait qu’il fréquente un collège-pour-garçons-à-l’exception-de, et faites-lui visiter, avec deux jumelles bien délurées pour leur âge, et surtout totalement identiques, une boutique de lingerie fine, Fess’tival… Et puis, n’hésitez pas à lui faire rencontrer (au téléphone), un mage… et, en vrai, Cucu, ou plutôt le dieu Cupidon, déchu de l’Olympe, reconverti en vendeur de churros. Du coup, on en profitera pour visiter l’Olympe et rencontrer la maman de Cupidon ! N’oublions pas Camilla-Parker, une femelle ara, des poules et des buses ! Et vous aurez une idée de l’originalité pleine de fantaisie de cette intrigue menée tambour battant !.

Ladite intrigue est servie par une langue et une verve tout aussi déjantées : adresses au lecteur, dialogues savoureux, jeux avec la typographie, notes de bas de page, retours en arrière… le tout accompagné par des illustrations en noir et blanc pleines de vie et d’humour !

Et l’amour dans tout ça ! Celui des deux papas du narrateur, celui, déjà passé, des parents de Coralie. L’amour est-il le résultat des manigances de Cupidon, qui, dépossédé de son arc et de ses flèches, possède néanmoins le secrets de la recette de la bouillie d’amour… Est-il éternel ? Restent de graves questions posées avec légèreté à la fin de l’ouvrage : peut-on forcer les gens à tomber amoureux ? ou les sentiments sont-ils affaire personnelle, engageant chacun ? C’est bien la question aussi du libre arbitre et de la liberté qui sont ainsi posées, explicitement. Celle aussi de l’altruisme dont saura faire preuve le héros dans la formulation des trois vœux que les dieux de l’Olympe vont exaucer. Grandir, c’est aussi cela, sortir d’un cocon bien propret pour entrer dans la vraie vie et s’intéresser aux autres, et oser devenir soi.  Mais tout cela est montré avec tant d’humour et de drôlerie qu’on s’en veut presque de le dire aussi platement dans cette chronique.

Désopilant, fantaisiste, farfelu, c’est un roman qui sait aussi jeter un regard attendri sur l’enfance..

Eddie & Noé : Les Agitateurs

Eddie & Noé : Les Agitateurs
Max de Radiguès et Hugo Piette

Sarbacane, 2023

Une Lecture empreinte d’optimisme citoyen

Par Loick Blanc

Eddie & Noé : Les Agitateurs, est le deuxième opus de la collaboration entre Max de Radiguès et l’illustrateur Hugo Piette. Nous suivons les péripéties d’une jeunesse engagée dans une lutte contre les injustices qui émaillent notre société.
Derrière des traits d’apparence relativement sobre, l’illustrateur parvient à concentrer toute la complexité des personnages à travers une palette d’expressions faciales qui habille l’intrigue. Le nœud narratif quant à lui, tisse une trame autour des enjeux sociétaux qui marquent la jeunesse contemporaine : changements climatiques, racisme, questionnements sur l’identité de genre, le vivre ensemble, …
Confrontés au racisme de leur enseignante d’histoire, dont les traits du visage ne laissent guère de place au doute sur la nature profonde du personnage, cinq jeunes collégiens décident, une fois le sentiment d’injustice exprimé et assimilé, de s’engager pour améliorer le quotidien de leur établissement. Ils choisiront de répondre aux agissements de cette dernière de manière positive, à travers l’organisation d’une journée citoyenne. L’auteur met alors en avant la confiance qu’il place dans les agissements de la jeunesse pour réinventer le monde de demain.
Cette série de bandes dessinées se profile ainsi comme une réflexion constructive sur l’engagement de la jeunesse d’aujourd’hui. Le sous-titre, Les agitateurs, prend alors tout son sens, non comme une bande d’élèves indisciplinés semant le chaos, mais plutôt comme des individus qui secouent les certitudes, éveillent les consciences de leurs pairs et des lecteurs, avec pour objectif d’apporter des améliorations tangibles au monde de demain.
En somme, c’est une lecture qui, à travers les aventures des jeunes collégiens engagés, encourage une réflexion sur les enjeux sociétaux contemporains tout en transmettant un message d’espoir quant au pouvoir transformateur de la jeunesse.

Passeur de souffle

Passeur de souffle
Patricia Hespel
La Martinière jeunesse, 2023

Une Fantasy aux reflets écologiques

Par Loïck Blanc

Ce roman transporte le lecteur dans une aventure qui l’incite à méditer sur la nature qui nous entoure. Bren, guidé par une prophétie énoncée à sa naissance, entreprend une quête qu’il croit être celle de sa propre gloire. Toutefois, au fil de son périple et de ses rencontres, il découvre le sens véritable des paroles prononcées le jour de sa naissance. La prophétie prend alors une tout autre signification, tournée vers une quête plus grande et collective dont il n’est finalement qu’un instrument. Il entreprend alors cette quête à la place de celle, personnelle, qu’il croyait devoir poursuivre.
Le récit s’habille d’une métaphore saisissante, décrivant une terre en proie à un mal insidieux qui se répand parmi les peuples. Bren, après s’être libéré de ce mal grâce à ses compagnons de voyage, s’éveille progressivement à la valeur de la Terre et à la menace qui la ronge. Ce spectre de la destruction est alimenté par la volonté de gloire personnelle des hommes et leur obsession pour le gain, les poussant à mettre en péril le souffle vital de la nature.
Sous la forme d’une œuvre de fiction captivante, l’autrice invite le lecteur à suivre la difficile remise en question de son héros, qui prend conscience de la fragilité de la nature et de la corruption qui la ronge.
Cet ouvrage de fantasy mérite d’être découvert sans attendre, car il offre bien plus qu’une simple lecture : il propose une plongée fascinante dans la quête de sens et dans la nécessité de préserver notre précieuse planète.

Ma famille, mon voisin loufoque et moi

Ma famille, mon voisin loufoque et moi
Lucie Lindemann
Amaterra 2023

Quand Jeanne rencontre André…

Par Michel Driol

Quand les parents de Jeanne se disputent – ce qui arrive souvent – c’est la voisine qui vient dire que cela fait trop de bruit. Mais quand la voisine est morte, que le père de Jeanne est parti, vient s’installer un nouveau voisin, steward, André. La rencontre avec ce nouveau voisin – bien plus âgé qu’elle – va changer la vie de Jeanne.

Voici d’abord un roman d’apprentissage : Jeanne va rencontrer l’amour, alors qu’elle n’y croit plus quand elle voit ses parents se disputer et sa sœur ainée aller d’échec en échec. Premier amour donc pour Jeanne, celui d’Ambroise, un garçon de son âge, et l’évolution de la relation entre les deux est particulièrement bien décrite, entre évitements et désirs. Mais c’est surtout la façon dont André, le voisin loufoque du titre, va redonner le gout de la vie à Jeanne qui est intéressante. Voilà un roman qui aborde un thème rare en littérature de jeunesse : celui de l’amitié entre une adolescente et un homme mûr, amitié sans aucun sous-entendu, amitié décrite depuis son commencement. Le hasard joue un grand rôle dans ce roman : oubli de clés, tempête de neige, coïncidences qui permettront à André de venir en aide à Jeanne, puis à Jeanne de soutenir André lors d’un moment difficile. Ce roman d’apprentissage est aussi un feel-good roman, dans lequel finalement à la fin tout le monde sera plus heureux qu’au début dans sa vie privée. Tout le monde – ou presque – y (re)trouve l’amour. Alsacienne, l’autrice ne manque pas de faire figurer quelques plats et desserts de sa région, donnant à ce récit un côté épicurien bien sympathique.

Un roman de découverte de la vie, de soi, des relations extra-familiales et familiales, dans lequel la narratrice, pleine de sincérité dans son récit, commence par chercher chaque jour trois choses positives à noter sur son carnet et finit par en trouver beaucoup !