ABC. Une petite leçon d’anglais

ABC. Une petite leçon d’anglais
Bruno Munari
(Les Grandes Personnes), 2018

L’abc des langues

Par Anne-Marie Mercier

Dans ce drôle d’abécédaire, publié pour la première fois en 1960, bilingue (où l’anglais est premier), à partir de la lettre F une petite mouche (« Flye ») se promène. Elle est parfois à sa place (à la lettre V pour « voyage »), ou s’immisce à bon escient (ZZZZ pour la lettre Z), parfois c’est une intruse qui se croit tout permis et n’a pas besoin de prétexte alphabétique pour apparaitre.
Sur le fond blanc des pages se font de belles rencontres, proche de la poésie : un navire et une pierre (Ship et Stone), un marteau et un chapeau (…et une mouche !), un éléphant et un œuf…
Et quelles couleurs : le bleu-vert de l’œuf, les gris sombres de l’éléphant, le jaune brillant de la poire, le rose granuleux de la pastèque… on a envie de toucher ces objets, de les croquer et de savourer la saveur de leur nom, en anglais comme en français.
La précision du lexique et de l’ordre alphabétique n’exclut pas la fantaisie comme celle du sac de jute tout simple rempli de neige et d’étoiles pour le Père Noël  (« A Sack of Stars and Snow for Santa Claus ») ou des parapluies volants.
Une belle façon de jouer avec les mots dans les deux langues et surtout de se régaler des beaux effets d’aquarelle et de la mise en page pleine de légèreté

Brexit Romance

Brexit Romance
Clémentine Beauvais
Sabracane (« Romans »)

Le Brexit, romance, linguistique et fantaisie déjantée

Par Anne-Marie Mercier

Faire de la question grave du Brexit un roman (au sens de « romance ») comique et sentimental est osé pour qui, comme l’auteure, en connait bien les enjeux. Mêler à tout cela des éléments de politique (avec les personnages de Marine Le Pen et Jeremy Corbyn) l’est également. Et tisser sur tout le livre une réflexion sur les deux langues, l’anglais et le français, et les deux cultures, avec les difficultés pour se comprendre et s’accepter relève encore d’une autre ambition.
Tous ces paris sont réussis : Clémentine Beauvais livre un « roman de mariage » (ou Mariage plot, voir le livre de J. Eugenides) digne de ses devanciers victoriens (mais beaucoup plus déjanté) : on se demande jusqu’au bout qui va épouser qui et dans quel but, ce que deviendra la jeune orpheline méritante et son dévoué protecteur, et c’est là le cœur du roman.
Il est aussi porté par des personnages originaux et un peu excessifs (surtout les anglais !), des rebondissements, des quiproquos… C’est aussi un roman sur les mœurs contemporaines : le langage des jeunes et leurs obsessions, la culture (de l’opéra aux réseaux sociaux), le monde de l’aristocratie anglaise et celui de la débrouillardise des middle class ou des jeunes désargentés. C’est aussi un pastiche de Lewis Caroll, avec des duchesses hystériques, un cochon habillé en bébé, un jeu de croquet qui dégénère…  Mais c’est surtout un roman sur la langue, très drôle, avec des traductions littérales, des contresens et des faux amis, avertissement indispensable à qui veut apprendre l’anglais sur le tas.
Et c’est aussi un roman sur le Brexit, ses raisons avouées ou non, la fracture profonde qu’il installe – ou qu’il révèle – dans le pays et les difficiles relations franco anglaises, mêlant amour et haine.