Quand la mort est venue

Quand la mort est venue
Jürg Schubiger
Illustré par Rotraut Susanne Berner
Traduit de l’Allemand par Marion Graf
La Joie de Lire, 2011

La joie de lire  ?

Par Christine Moulin

qd_la_mort_web_carre_200Tout commence au mieux: nous voilà revenus dans une sorte de Paradis perdu, d’avant la malédiction universelle: « En ce temps-là, nous ne connaissions même pas son nom. La mort? Connais pas. » Sauf que l’illustration montre deux enfants au regard fixe, au sourire figé, qui ne semblent pas particulièrement heureux de vivre. L’impression que « quelque chose cloche » ne se dément pas quand on tourne la page: nous voici devant le village entier. Tout le monde a les mêmes yeux écarquillés, un peu vides, une position statique, l’air indifférent. On apprend que « chez ces gens-là », on ne se souhaite pas « bonne journée » parce que c’est inutile: toutes les journées sont bonnes.

Apparaît la Mort qui rappelle celle d’Erlbrüch dans Le canard, la mort et la tulipe ou dans La grande questionElle est représentée sous la forme d’une mendiante épuisée, dont tout le monde se moque parce qu’elle trébuche sur un escargot. Voilà donc le péché originel : la méchanceté stupide à l’encontre de l’étranger.

Ce qui devait arriver se produit: la Mort passe la nuit au village et y sème le malheur. Malgré elle, car elle est pleine de culpabilité et de compassion. Cette compassion que les villageois, perdus dans leur bien-être un peu niais, lui avaient refusée. La Mort repart, les villageois reconstruisent leur village dévasté : ils ont appris à souhaiter bon voyage, bonne journée, bref, à ne pas prendre pour bonheur comptant ce qui leur a été octroyé. On les voit rassemblés, un vrai sourire aux lèvres. Tout semble paradoxalement plus vivant, plus joyeux.

La fable est riche mais dérangeante. A dessein, bien sûr. Reste une interrogation: ces villageois sont-ils destinés à mourir, alors que la Mort est repartie?

L’avis d’une lectrice, Marine Landrot : « Ce qui est beau, dans cet album, c’est que cette mamie-squelette n’a pas plus de réponse que les hommes sur les mystères de l’au-delà. »