Lune Mauve. Tome 2 : L’héritière
Marilou Aznar
Casterman, 2013
La lune mauve luit dans les bois…
Par Matthieu Freyheit
Hors de question de prendre du repos après le premier tome : le second est déjà dans vos librairies. Et pour Séléné, c’est back to black. C’est-à-dire : retour à Darcourt. Oui, ce lycée où elle n’a (presque) pas d’amis, où ses profs ne l’aiment guère, où elle redouble parce que l’an passé, sa scolarité a été interrompue par la mort de sa mère et… son passage vers Viridan, l’actuelle cité de nos anciens mésopotamiens. Marilou Aznar passe avec justesse sur l’épisode mésopotamien, échappant ainsi aux lourdeurs classiques (et souvent niaiseuses) de la découverte de ce nouveau monde. Ce qui ne veut pas dire que nous n’en apprendrons pas plus sur ce qui s’est passé : petit à petit, Séléné et d’autres nous livrent les informations nécessaires à la reconstitution du puzzle. Ainsi la trame mésopotamienne, tout juste esquissée dans le premier volet, se précise ici sans que l’auteure ne tombe dans le piège du ridicule (nous ne sommes PAS sur Pandora).
On reprocherait au roman d’être moins drôle que le précédent, avant de se raviser : l’intelligente Marilou Aznar n’a nullement cherché à créer une réplique du premier succès, mais s’est efforcée de lui prêter une coloration propre. Un décalage parfois difficile à gérer : riche de son expérience récente (et plutôt traumatisante), Séléné a perdu de son mordant. Moins légère, elle a accepté son destin : sauver Viridan et les T’sent d’un virus sobrement appelé le Fléau. Il faut dire que la bonne humeur n’est pas le fort de ses compagnons T’sent pour qui la civilisation terrestre n’est rien que futilité, et donc médiocrité (Gilles Lipovetsky, étais-tu mésopotamien ?). Si Séléné a changé, il n’en va pas de même du panorama Darcourt. Alexia, sa perfide cousine, reste sa perfide cousine. Thomas, chanteur ténébreux et romantique, est toujours aussi chanteur, ténébreux et romantique (on se demande parfois s’il s’agit d’un véritable personnage…). L’arrivée d’un nouvel élève, ‘Rimbaud’, n’anime pas vraiment le tableau : plutôt factice, ce personnage secondaire n’est pas la plus grande réussite de l’auteur.
Il n’empêche : Lune Mauve continue d’intriguer et se lit agréablement. L’auteure mêle fort bien les récits sans perdre son lecteur, ravi de retrouver tantôt les couloirs de Darcourt, tantôt le trio Alexia-Thomas-Séléné, tantôt la trame principale visant à échapper au terrible Fléau. Et comme dans le premier volume, la crainte de basculer vers le mauvais goût est écartée par le talent d’une auteure qui sait raconter, doser et, surtout, aller de l’avant.