Où se cache ma fille ?

Où se cache ma fille ?
Iwona Chmielewska
traduit (polonais) par Lydia Waleryszak
Éditions Format, 2020

Broderies et handicap

 Par Anne-Marie Mercier

On cherche une petite fille dans toute la maison : chaque page présente un coussin, un meuble, une porte, un placard, un rideau, et toutes sortes de lieux enfin où elle pourrait se dissimuler. Ce n’est qu’à la fin qu’on la voit, cachée derrière une porte vitrée à mi-hauteur. La dernière page montre qu’elle est assise sur un fauteuil roulant.
Cet album propose une autre manière de voir le handicap : une enfant handicapée est d’abord une enfant. Le texte, à chaque double page, la décrit : parfois gaie, parfois triste, calme, ou vive, etc. en accompagnant ces adjectifs de comparaisons animales toutes charmantes et parlantes, parfois originales (triste comme un phoque, aussi maladroite d’un hippopotame), parfois non (forte comme un éléphant, lente comme une tortue).

Ces animaux sont représentés émergeant des lieux où l’on cherche l’enfant et la grande originalité de l’album consiste dans la nature des images : ce sont des photos de pièces de tissus cousues et brodées qui figurent l’ameublement de la maison. Les animaux évoqués par les comparaisons eux aussi sont de cette sorte, mais on les voit sur l’envers sur une page, et sur l’endroit à son envers, représentant alors un tout autre animal : la réversibilité du caractère de l’enfant est ici figurée par ces métamorphoses.

C’est beau, subtil, plein d’humanité. Toutes ces étoffes de récupération portent en elles de multiples présences. La broderie et la couture nous parlent d’un réel abimé à reconstruire. Le handicap de l’enfant n’en est qu’un des aspects, même si le regard porté par l’album sur ce point est essentiel. Voir la vidéo

sur l’auteur (site de l’éditeur):

« L’organza blanc et les chiffons qui ont servi à confectionner ce livre proviennent de diverses friperies polonaises important des vêtements d’Europe de l’Ouest. L’organza était sans doute le rideau d’une fenêtre. Les morceaux de caleçons, de taies d’oreiller, de rideaux, de mouchoirs, de pyjamas, de jupes longues ou de robes de fillettes, utilisés naguère quelque part par quelqu’un, ont été assemblés dans ce livre en un tout. J’ai la conviction que tous ces petits bouts de tissus renferment, d’une certaine manière, le vécu et l’énergie des personnes qui les ont portés autrefois. » (Iwona Chmielewska)
Iwona Chmielewska est une grande illustratrice polonaise, dont les images, tout en douceur, vont bien au-delà d’une simple interprétation du texte. Elle a remporté de nombreux prix, dont le Bologna Ragazzi Award en 2011, en 2013 et en 2020 (Prix Nouveaux Horizons), ainsi que La Pomme d’or de la Biennale de l’Illustration de Bratislava en 2007.
Ses livres sont publiés en Corée du Sud, en Pologne, en France, en Chine, au Japon, à Taïwan, en Italie, en Allemagne, au Portugal, au Mexique et au Brésil. Elle est connue en France pour ses albums : Les yeux, La Mésaventure, Dans ma poche chez Format.