Au revoir, Papy

Au revoir, Papy
Josy Bidan, Sandrine Lhomme
Nouvel Angle, 2010

Manuel de deuil

par Christine Moulin

josy bidan,sandrine lhomme,nouvel angle,deuil,lettre,journal intime,christine moulinLe procédé narratif, sans être original (on songe au superbe Je t’écris, j’écris d’Eva Caban), est intéressant : une petite fille écrit dans son journal intime des lettres à son grand-père décédé. Il y a des moments émouvants : celui où elle manque de garder pour lui le gros bout crémeux de la bûche, celui où elle retrouve le papier où il avait écrit les scores d’un jeu auquel ils avaient joué.

Mais, sinon, dans l’ensemble, on a l’impression de suivre les étapes du deuil, telles qu’elles ont été souvent décrites, avec des variantes, bien sûr, et une accélération peu vraisemblable vers la fin. Les illustrations ne viennent rien bousculer: redondantes par rapport au texte, elles sont sages et se veulent rassurantes.

Mais surtout, on se demande si c’est vraiment ainsi que les enfants vivent la disparition d’un proche. Tout est maîtrisé : pas de peur, pas d’interrogations, une croyance assez lisse en la possibilité de communiquer avec le défunt à travers les rêves. Il semblerait bien plutôt qu’on ait l’explication par un adulte de ce qu’est le deuil à un enfant, ou plutôt de ce qu’il devrait être, pour ne pas paraître trop effrayant, trop cruel. Rien de ce qui fait de la découverte de la mort une étape essentielle dans le devenir de chacun. Mieux vaut relire L’Arbre sans fin de Ponti.

Clovis, le roi du tournevis

Clovis, le roi du tournevis
Florence Balligand
Sandrine Lhomme
Balivernes, 2010

De la magie du tournevis

par Dominique Perrin

Cet album a manifestement un beau projet : écrire le conte, la fable, le poème sensible qui rendraient compte des charmes du bricolage, reconnaître en cette pratique un objet de narration et de rêveries, au même titre que tant d’autres activités fondamentales de l’humanité. Au-delà du dynamisme en soi attachant de cette intention, le pari ne semble pas gagné ici. L’album hésite, à la fois sans réussir et sans trancher, entre une logique de jeu sur les mots et les choses aux moyens un peu courts, et une logique narrative centrée sur la geste d’un jeune bricoleur, devenu maître en tournevis, captivant les enfants des villages, et finalement, sans trouver de consistance autre que bien convenue, campé en chef de famille. Projet à suivre, donc : la présente réalisation ne parvient pas à convaincre que le détachement du nom du protagoniste (« Et comme il a bon cœur, Clovis,… », « ça lui a donné des ailes, à Clovis,… ») soit un moyen stylistique apte à rendre compte des charmes singuliers du bricolage ; de même le lecteur mis en appétit se réjouirait peut-être de voir radicaliser la recherche plastique en matière de télescopages de matériaux, d’images, et de mots.