La plus belle de toutes
Rachel Corenblit
Rouergue 2018
La téléréalité mise à nu
Par Michel Driol
La plus belle de toutes, c’est le nom d’une émission de téléréalité dans laquelle s’affrontent six candidates de 16 ans pour obtenir le titre. Chaque jour, les producteurs ont imaginé un scénario pour faire monter les rivalités entre filles, les ridiculiser, ou les magnifier. Sauf que tout ne se passe pas comme prévu…
Rachel Corenblid propose ici un roman très polyphonique, donnant la parole au présentateur, aux candidates, aux producteurs, aux assistants, pour démonter et exposer les mécanismes sur lesquels reposent les émissions de téléréalité, leur façon de construire des images et de montrer des personnages qui n’ont rien à voir avec les personnes réelles. On retrouvera ainsi un présentateur vedette, dont la copie conforme sévit toujours à la télévision. Dans ses petites phrases, ses tics de langage, il sera facile à reconnaitre. Chacune des candidates est la voix d’un chapitre. Ce sont sans doute les passages les plus émouvants du texte, où l’autrice montre le décalage entre la personnalité, les motivations des candidates, somme toutes des filles sensées et ordinaires (sans que ce mot ait quoi que soit de péjoratif) et dont le montage, les propos du présentateur, font des stéréotypes à mille lieues de ce qu’elles sont réellement : la princesse, la rebelle, la magnifique… C’est aussi ce personnage de Chocolatine, animatrice manipulatrice de l’émission, dont le grand talent est de monter les filles les unes contre les autres, alors qu’elle avoue simplement ne rien savoir faire d’autre.
Malgré la scénarisation programmée, l’émission ne se déroule pas comme prévu, et les candidates vont retrouver le sens de l’union, une certaine solidarité, et refuser de jouer le jeu qu’on entend qu’elles jouent, prouvant qu’il est possible de se révolter contre le mensonge, les faux semblants, les sentiments truqués. On ne révèlera pas ici la fin du roman, inattendue, qui ne laissera pas les lecteurs indifférents et leur donnera matière à réfléchir et à s’interroger.
Un roman où l’autrice met tout son talent à démonter les mécanismes de la téléréalité, non sans humour, et souvent avec brio.