La princesse et l’assassin

La princesse et l’assassin
Magnus Nordin
Rouergue (doAdo Noir), 2010

Les amourettes suédoises…

par Michel Driol

Un beau début de roman noir : « Il avait plu toute la journée, une bruine désolante typique de l’automne, mais, peu après minuit, la pluie avait cessé. Même si Fredrick n’était que légèrement habillé, le froid était à cet instant le cadet de ses soucis ».

Mais, même si la quatrième de couv’ met l’accent sur le côté thriller (au deuxième assassinat, chacun va devoir abandonner ses mensonges et ses secrets) et souligne que ce roman, d’un auteur suédois reconnu de thrillers et de romans d’horreurs pour la jeunesse, a reçu pour ce roman le prix du meilleur thriller pour la jeunesse… le thriller et les frissons tardent à venir.

En fait ce roman hésite entre deux ou trois genres : le thriller, certes, mais en pointillés. Le roman sentimental pour ados. Le roman social.

Du thriller, on garde l’atmosphère et les constantes du genre (la nuit, la pluie,  le tueur qui rôde et menace les ados, l’enquête policière, la fausse piste), mais, au fond, ce n’est pas vraiment cela qui intéresse Nordin, ni peut fournir un moteur à la lecture. Le point de vue n’est pas vraiment ici celui de la victime potentielle, comme c’est le cas dans ce genre.

Ce qui se développe surtout, c’est le roman sentimental, plus proche des émois d’ »Hélène et les garçons », ou des séries télévisées ayant comme cadre un lycée (d’Australie ou d’ailleurs…) que du roman de Flaubert. Sexe, mensonge et tromperies façon lycéenne. Découverte de l’amour pour Nina, l’héroïne, pour le beau chanteur d’un groupe de musique en vogue, aimé aussi par Lenita. Et Markus, trop timide pour avouer son amour pour Nina, ou choisir entre l’amitié et l’amour… Chronique d’une année scolaire, une de plus… la dernière, en tous cas, puisqu’il s’agit de terminale !

Reste le côté critique sociale, qui me semble rester le parent pauvre de ce livre, comme une dimension  effleurée mais non aboutie, malheureusement. Le lycée que fréquentent tous les héros est caractérisé par sa mixité sociale, et l’auteur met en présence deux mondes, deux quartiers : un quartier populaire (celui de Markus et de Nina), et un milieu très huppé, celui de Lenita. Or, autant les descriptions des lieux mettent l’accent sur ces différences (maisons identiques d’un côté, superbe propriété de l’autre), autant les dimensions sociales et psychologiques sont peu traitées. Au fond, tous ces ados se ressemblent !

Et s’ils se ressemblent tant, c’est peut-être que leurs parents sont absents… Le père de Nina déménage sans cesse, traite sa fille de « Princesse » et cache un secret qu’on découvrira à la fin du roman. Les parents de Lenita sont absents du livre : leur fille  est ivre lors de sa fête… La mère de Nina est malade. Pas d’adulte positif dans ce livre (ni du côté parental, ni du côté professoral), sauf, peut-être, du côté policier. De fait, la micro société des ados fonctionne avec ses règles, ses codes, ses transgressions.

Un livre donc qui pose de sérieuses questions sur les limites de la littérature pour la jeunesse : à quelles conditions écrire un thriller pour les jeunes ? De quelles images du monde des adultes doit-elle être le reflet ? Quel public viser : celui de l’amateur de thriller ou celui du roman d’amour ?

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