Picasso ou rien

Picasso ou rien
Sylvaine Jaoui
Rageot (romans), 2010

Copie conforme ?

par Michel Driol

Voilà un beau roman sur les relations humaines et sur les relations entre l’art et la réalité. Sur la mort et le deuil aussi.

C’est d’abord le beau portrait d’un ado (Jimi est collégien) saisi dans sa famille et ses relations avec quelques ami-e-s de son âge. Relations familiales parfois pénibles : son père –musicien de talent – est décédé d’un cancer, mais Jimi refuse d’une certaine façon d’accepter cette mort, parle à son père qui lui répond à travers ses dessins.  Sa mère tente de le réconcilier avec son grand-père paternel, qui s’est opposé en son temps à la vocation musicale de son fils, et s’est brouillé avec lui. Comment lui pardonner ? C’est aussi l’âge de la découverte de l’amour pour Lilas. C’est l’âge de l’amitié pour Roméo. C’est enfin l’âge où l’on se construit en s’opposant avec d’autres ados du même âge (une belle figure de brute – Solal).

Jimi est globalement entouré d’adultes bienveillants : sa mère, qui l’élève seule. Léo, qui lui apprendra le dessin. Les figures d’enseignants sont – loi du genre – plus diversifiées voire stéréotypées : le prof de maths est un homme, modèle de sadisme, la prof de français est une femme, compréhensive et fine… Reste l’absence de la figure paternelle, compensée dans l’imaginaire par Jimi… et la figure du grand père, statue du commandeur, ayant interdit à son fils de se lancer dans la musique, ayant rompu avec lui, et  dont la mère impose la présence à Jimi un soir par semaine.

Si le père de Jimi était musicien, Jimi est un dessinateur déjà talentueux pour son jeune âge. Ce talent, reconnu et accepté par son père de son vivant, Jimi le fait fructifier avec Léo, qui lui sert de guide. Masi, comme tous les artistes, il a sa période de doute, lorsqu’il s’agit de s’inscrire à un concours de mangas. Qui être ? Picasso ou rien ? ou soi-même ?

Et, de ce fait, le roman est traversé par l’exploration des relations entre l’art et la réalité. C’est dans les dessins de Jimi que vit son père. C’est Lila qui sert de modèle féminin à Jimi. Ce sont de nombreuses allusions à la nouvelle de Marguerite Yourcenar, Comment Wang-fo fut sauvé. Mais c’est surtout, à fin, la façon dont Jimi réutilise des éléments de son propre vécu pour l’interpréter dans les différentes épreuves du concours de mangas. Rien de didactique dans ce roman, mais l’illustration, à travers un récit bien conduit, de certaines conceptions des rapports entre l’art et la réalité.

(à partir de 11 ans)

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