Je suis le chat
Jackie Morris
Gautier Languereau, 2012
A tout seigneur…
par Christine Moulin
L’album frappe d’abord et avant tout par sa taille: immense, il propulse sur sa couverture une magnifique tête de chat roux, aux yeux verts obsédants, à la moustache conquérante. Le titre, en lettres dorées, est tranquillement dominateur car, comme dit Jacques Roubaud, « Quand on est chat/ On est chat ». Sur la page de garde, c’est la lune qui envahit l’espace mais c’est pour mieux mettre en valeur l’animal vedette qui se détache en ombre chinoise. La page de la dédicace se fait plus tendre, abritant une multitude de chats, ceux que l’auteur a aimés, tous différents mais tous surmontés d’une auréole, qui laisse à penser qu’ils ont rejoint le Paradis qui leur est réservé. La page de titre montre à nouveau l’animal de la couverture, toujours en gros plan, qui s’avance vers le lecteur de sa démarche chaloupée. On se dit alors que cela va être un festival pour félinophile!
Et de fait, sur la première double page, s’étale, roulé en boule, celui qui a fièrement proclamé: « Je suis le chat » et il nous livre la clé de ses songes… Qui ne s’est demandé à quoi rêvait son chat, justement, quand il agite ses moustaches ou grogne doucement? La réponse qu’imagine l’album nous emporte sur d’autres continents et laisse place à de grands félins, auxquels s’identifie le chat narrateur, dont la part sauvage n’a donc pas totalement disparu. Successivement, le tigre, le guépard, le lynx, le puma, le léopard des neiges, le jaguar, le lion, le chat sauvage d’Ecosse et le léopard de l’Amour envahissent les pages, à fond perdu : touche amusante, ils sont décrits comme des chats, à quelques détails près… (par exemple, le lynx est un chat.. « élancé, aux yeux perçants, tacheté, luisant et élégant »). Le vrai nom de chaque animal est révélé à la fin de l’album car au fond, c’est bien d’un documentaire qu’il s’agit.
L’idée est belle, qui nous rappelle que, selon les mots de Victor Hugo, « Dieu a inventé le chat pour que l’homme ait un tigre à caresser à la maison »… et l’objet est superbe!
Ah, j’adore la phrase de Hugo, merci Christine !
Question de dissert : La littérature de jeunesse pourrait-elle être décrite comme le chat du tigre littérature?