Super tête de Fesses

Super tête de Fesses est plus célèbre que toi (t. 5)
Super tête de Fesses est plus super que toi (t. 4)
Bertrand Santini
Sarbacane, 2023

Journal d’un chat méchant

Par Anne-Marie Mercier

Bertrand Santini a publié chez Grasset des livres étranges, sombres et lumineux à la fois : Jonas, le requin mécanique (2015 et 2023), Miss Pook et les enfants de la lune, L’étrange réveillon, Le Yark… ou le sombre Flocon chez Gallimard jeunesse. Le voilà dans un tout autre genre, chez Sarbacane.
Il y a créé une série autour d’une chatte, Gurty, dont le journal a fait concurrence au fameux Journal d’un chat assassin d’Ann Fine : je crois que Le Journal de Gurty en est au tome 12… Et parallèlement à cette série il en a créé une autre dont le héros est l’ennemi personnel de Gurty, un chat mâle prétentieux, appelé Jean-Jacques et surnommé (par elle) Tête de fesses.
À travers ce personnage, il moque (gentiment) les humains et leurs animaux mais aussi les travers des enfants d’aujourd’hui et les modes culturelles (les super héros, les vidéos postées sur les réseaux, etc.) et surtout son héros lui-même.
ce héros est bête et méchant à souhait et les autres personnages (une chienne trop gentille, un hérisson,  un écureuil philosophe… Gurty, qui apparait peu) apportent des éléments de comique et de bon sens bienvenus dans son monde mégalo-loufoque.

Le tout est abondamment illustré (avec les pieds) et imite joyeusement les journaux d’ados comme le Journal d’un dégonflé de Jeff Kidney ou celui de Big Nate de Lincoln Peirce mais ici, c’est un chat : il ne va pas au collège, ce sont donc ses petits humains qui font l’effet miroir, dans la mesure où il les imite parfois.

Battlestar botanica

Battlestar botanica
H. Lenoir
Sarbacane (Exprim’), 2023

Space opera vitaminé pour jeunes lecteurs

Par Anne-Marie Mercier

Quel beau roman !
De l’espace (on saute d’une galaxie à l’autre en quelques secondes) et pourtant on reste en huis-clos (on vit à bord d’un vaisseau spatial, le Loquace, avec son équipage sans presque en sortir),
De l’humour et de la gravité,
De l’amour et de la méfiance,
Une intrigue qui avance tout en revenant à son point de départ,
Des mères manipulatrices, ce qui ne les empêche pas (peut-être) d’être aimantes,
De belles amitiés improbables et des jeux innocents.
Des contrebandiers de l’espace et des gardiens de l’ordre,
Des aliens gentils, des insectes géants, des chats…
Le livre commence avec une certaine simplicité : les personnages sont présentés avec leur portrait en pied, la liste des éléments marquants de leur vie, leur famille et leurs relations, leurs compétences, pour s’achever avec un pourcentage indiquant leur discrétion et leur efficacité. En somme, ils sont fichés et on devine vite qu’ils sont dans une situation aussi précaire que le Han Solo de Star Wars (film auquel renvoie le titre) aux commandes du vieux Faucon Millenium, accompagné de son fidèle Chewbacca, la solitude en moins.
La capitaine du vaisseau spatial a embarqué comme pilote sa fille de 17 ans, Kani : dans ce monde, seuls les jeunes sont capables d’entrer en symbiose avec le vaisseau (la symbiose ressemble à celle que l’on voit dans Astréa, paru la même année chez le même éditeur et destiné à des lecteurs plus âgés) et ils sont exploités et embrigadés pour cela. Avec eux naviguent une guide à l’apparence d’un grand oiseau de sexe féminin (genre dominant chez eux), un soldat braillard de 49 ans, un mécanicien appartenant à une espèce gigantesque d’insectes aux pouvoirs étonnants, espèce qui a décimé les terriens des siècles auparavant, son assistant mécanicien, gentil garçon de 19 ans, malentendant, qui casse parfois ses appareils auditifs, ce qui oblige tout l’équipage à utiliser la langue des signes, un biologiste humain calme, âgé de 44 ans, un assistant biologiste issu de la même espèce que la guide mais plus petit et surtout plus jeune, manipulé à distance par sa mère qui l’a chargé d’espionner l’équipage… À cette équipe s’ajoute une très jeune humaine qui a fui sa planète pour échapper à un enrôlement forcé dans un projet de reproduction de jeunes pilotes.
Ils ont une mission cruciale pour la survie des humains et de leurs alliés et devront pour la remplir lutter contre de féroces concurrents, pratiquer l’espionnage dans une Académie de formation de pilotes au cœur d’un empire raciste et spéciste, combattre jusqu’à la mort contre des flottes ennemies supérieures en nombre et en armes… assistés par leur chat Dagobert (eh oui, comme le chien du Club des cinq), maitre de tout de tous.
Les personnages sont attachants, même les plus étranges. Les relations entre les membres de l’équipage (sans oublier le chat) sont  riches malgré les différences et les difficultés de cohabitation ou de compréhension. De nombreux non-dits les irriguent, notamment entre les membres d’une même famille ou d’une même espèce. Admiration, tendresse, agacement, amour, haine… les sentiments à l’égard des uns et des autres fluctuent sans que jamais la trahison ne les abime. Enfin, le choix de raconter à travers des points de vue différents dans chaque chapitre donne à la narration beaucoup de relief, surtout lorsque le porteur du point de vue est un peu différent de l’humanité courante : le monde vécu par un sourd, par un oiseau, par être appartenant à une espèce dominée par les femmes, etc. apparait comme bien différent de l’ordinaire, et cela culmine lorsque c’est le regard du chat qui nous emmène. Le roman est drôle, toujours surprenant, attachant. H. Lenoir a fait paraitre chez le même éditeur Félicratie, un volume décrivant dans le même monde les batailles des siècles précédents ; il semble être lui aussi un petit bijou.
À ne pas manquer !

Matou blues

Matou blues
Jory John, Lane Smith
Gallimard jeunesse, 2022

Un vie de chien

Par Anne-Marie Mercier

Dur, dur, la vie de chat : pas assez de croquettes, un canapé à partager avec un intrus, le soleil qui n’en fait qu’à sa tête, un monstre (l’aspirateur) qui interrompt la sieste, l’ennui, l’envie de faire des bêtises… reste à miauler pour réclamer croquettes et pâtée. Seul événement notable, mais que le chat remarque à peine : à la fenêtre, derrière une moustiquaire, le discours d’un écureuil qui lui explique longuement, mais en une page (elle est couverte de mots en typographie variable) combien la vie de chat est agréable et combien la vie sauvage est difficile. On retrouve ici la question de la fable « Le loup et le chien » : vaut-il mieux avoir une vie confortable ou être libre?
Les illustrations de Lane Smith sont drôles, craquantes, et on se dit que ce chat est aussi mignon qu’insupportable, un vrai chat, quoi. Le jeu sur les caractères, la mise en page, les variations d’expression de ce chat font que tout cela est très mouvementé et intéressant malgré le sujet (l’ennui et l’enferment).
Avec Banquise blues, c’est le deuxième album de ces deux auteurs consacré à un jeune animal grognon auquel un animal vieux et sage tente de faire comprendre qu’il se plaint trop et à tort.

 

Banquise blues

 

Nuit blanche

Nuit blanche
Alice Brière-Haquet – Raphaële Enjary
(Les Grandes Personnes) 2021

Une histoire de chat et de souris

Par Michel Driol

C’est la nuit. Le chat se glisse hors de la chambre de son ami pour pourchasser la souris. Comme il neige, elle peut se cacher. Le chat rentre. La souris – la petite souris – prend la dent de l’ami du chat et dépose une pièce d’or tandis que le soleil se lève.

Sur ce synopsis minimaliste, voici un album somptueux grâce à son graphisme et à l’ingéniosité des couleurs. On le sait, la nuit, tous les chats sont gris, gris souris. L’album conjugue les couleurs essentielles, le noir de la nuit, le gris du chat, le blanc de la neige et de la souris, avec quelques taches de jaune : étoile, yeux du chat, pièce d’or et soleil.  Pour  l’essentiel, on baigne dans une atmosphère monochrome pleine de poésie que renforce le texte, simple commentaire de l’image, invitant à la contempler en silence. L’album est un appel à l’imaginaire : une découpe de quatre carrés, et voici une fenêtre blanche puis, une fois la page tournée, noire. Deux étoiles, et voici les yeux du chat dès que l’on a tourné la page… Une découpe de souris, visible sur le fond noir de la nuit, invisible sur le fond blanc de la neige… Dans ce décor nocturne et urbain, plein de charme, les deux personnages jouent un jeu éternel, celui du chat et de la souris, jusqu’au retour attendu de la lumière du soleil qui introduit à une nouvelle atmosphère, jaune et lumineuse.

Un album plein de trouvailles poétiques pour évoquer les mystères de la nuit quand les enfants dorment, la magie de la neige qui remplace le noir par le blanc.

55 jours chez mon chat

55 jours chez mon chat
Sébastien Mourrain
Editions de La Martinière, 2021

#confiné(e) avec mon chat

Par Christine Moulin

55 jours chez mon chat est une chronique sans paroles mais avec croquis, qui, malheureusement, est encore d’actualité, mais qui, heureusement, traite la situation avec un humour et une tendresse qui toucheront aussi bien les enfants que les adultes. Dès le titre, les amateurs de chats reconnaissent tout de suite qu’ils ont affaire à quelqu’un de sérieux qui sait de quoi il parle: il est évident que l’on habite chez son chat! Confinement ou pas confinement. C’est le cas de l’auteur qui a su regarder avec attention Moon, son hôte, et le présenter sous de multiples facettes: tantôt c’est un simple (?) chat qui regarde mélancoliquement le dehors dont il est privé, qui déterre les plantes vertes, qui balade sa souris dans l’appartement sans pour autant vraiment jouer avec elle, qui guette on ne sait qui derrière une porte, qui détruit un rouleau de papier toilette; tantôt c’est un compagnon qui partage et exprime les humeurs de ses humains, vautré sur un canapé, caché sous un lit, perché sur le lavabo ou sur le plan de travail; tantôt c’est un reflet (au sens propre, d’ailleurs, dans le dessin du jour 54), un double de ses « patrons », qui boit l’apéro devant une allocution présidentielle, déguste des cocktails, allongé sur une chaise longue, qui lit un livre, qui assiste à une session « Zoom » où se côtoient chiens et chats, qui constate qu’il a grossi, qui fait de la gymnastique, qui porte un masque; tantôt c’est une chambre d’écho de nos émotions (comme lorsqu’il se pend au lustre, à force d’ennui, sans doute, ou qu’il compte les jours…). A chaque fois, l’artiste trouve moyen d’évoquer avec justesse cette atmosphère si particulière du Premier confinement où se côtoyaient le plaisir d’activités intimistes comme la lecture ou le jeu, les efforts pour continuer à travailler un peu et le découragement, l’agacement. Il rend compte, sans un mot, de ce rapport au temps qui était si difficile et si spécifique, marqué par la répétition, l’insignifiance et l’attente (Moon, souvent, fixe des écrans noirs qui ne s’allument pas). La dernière image (tout en prônant ironiquement « le respect des gestes barrières ») célèbre la liberté retrouvée. Cet ouvrage est donc la démonstration éclatante du rôle de l’humour pour à la fois dire l’expérience commune, la mettre à distance et nous permettre d’en faire (presque!) un objet de future nostalgie.

Déjà

Déjà
Delphine Grenier
Didier Jeunesse, 2016

On n’y voit pas que du bleu

Par Christine Moulin

La couverture est « déjà » magique. D’un magnifique bleu, celui de tout l’ouvrage, elle présente les personnages de ce récit de randonnée cumulatif, emportés en un bond particulièrement dynamique vers ce qui ne peut être que poésie: deux ennemis héréditaires, visiblement réconciliés, une mignonne souris et un chat tout doux (Félix-Minou à qui est dédié ce livre?). Souris réveille Chat pour un voyage nocturne qui permet de découvrir sur chaque page de droite un animal endormi, fragile et émouvant, serein, plongé dans des rêves qu’interrompent nos deux héros, suscitant le refrain ensommeillé : « déjà? » C’est l’occasion, à  chaque fois, de découvrir un lieu précis (sous les feuilles du platane, au fond du jardin, etc.) et une splendide couleur qui tranche sur le bleu velouté de la nuit. Mais quand apparaît le lapin, tout change: le fond de la page s’éclaircit et le lapin s’écrie, occasionnant une rime: « enfin! » Il a d’ailleurs l’œil « déjà » ouvert. Une double page, selon les lois du genre, récapitule les animaux rencontrés et les emmène, en une ascension mystérieuse, vers la splendeur que révèlent deux rabats, celle de l’aube. La jolie chute incite alors le très jeune lecteur à rejoindre son lit pour y poursuivre la promenade… Un splendide album, en forme de célébration.

Il pleut des chats

Il pleut des chats
François David
La Feuille de thé, 2020

LE chat

Par Christine Moulin

S’il est un recueil qui peut rendre compte du pouvoir de la poésie, c’est bien celui-ci car le chat, de même qu’il est difficile à dessiner, est difficile à évoquer. Or François David y réussit merveilleusement, à travers un registre varié de poèmes, qui va du presque-haïku à la liste, en passant par des feux d’artifice de mots inventés. Il sacrifie avec bonheur à ce qui est presque attendu: les jeux sur les expressions contenant le mot « chat » (à commencer par celle qui constitue le titre, en un clin d’oeil à l’absurde et délicieux idiome anglais « it’s raining cats and dogs ») ou bien le répertoire des races félines, des façons de dire « miaou » selon les langues, des noms donnés par les écrivains à leur animal. Mais là où l’auteur excelle, c’est dans la description de certaines attitudes qui rappellent en quelque sorte les estampes japonaises: il sait capter un instant, le coucher sur la page et en préserver la vibrante magie. C’est que François David aime les chats: on le sent quand il décrit leur regard, leur pelage, leurs mouvements; on le sent quand il évoque leurs « pattes sudoripares » qui laissent d’émouvantes traces, leur habitude d’occuper le siège de leur humain avec la « ronronnante conviction » de participer à son travail ou la façon qu’ils ont de dissimuler leur trouble et de se donner une contenance en se livrant à une toilette compulsive. On le sent quand il esquisse les rapports que les hommes entretiennent avec eux, parfois marqués par la cruauté humaine, dénoncée dans des poèmes coups de poing. On le sent quand il envisage, de façon tellement poignante, la mort d’un chat aimé.
« S’il n’y a pas un chat
on se sent seul alors
vraiment »

La cachette

La cachette
Andrée Prigent
Didier Jeunesse, 2019

Coucou caché félin

Par Christine Moulin

La scénographie, minimale, se révèle diablement efficace. La double page présente une boîte, tel un castelet, dans laquelle on voit, jamais en entier, Yvette qui, comme son nom ne l’indique pas, est un chat, enfin, une chatte. Le décor autour de cette boîte évoque, de façon très épurée, un salon décoré de quelques plantes vertes et d’un coussin rouge à pois blancs. Tout l’intérêt réside dans le mouvement qui nous fait pénétrer dans la pièce grâce à un savant travelling: sur la poignée de la porte se pose une main. On aperçoit alors un chemisier rouge à pois blancs qui, en faisant écho au coussin, aspire le lecteur vers la boîte mystérieuse. Progressivement, l’espace va être envahi par cette présence humaine. Parallèlement, Yvette se cache, se montre, bref, fait le chat, sans jamais quitter son refuge. Le texte rythme le jeu (« Yvette, je vois tes oreilles », « Yvette, je vois ton dos »), jusqu’au silence, qui inquiète délicieusement: « Yvette, je n’entends plus rien. Tu dors? » Le carton disparaît pour laisser place à la belle révélation finale qui explique la réticence d’Yvette à sortir de sa cachette. Tout est doux, serein, naturel : la complicité entre l’homme et l’animal (qu’on devine dès la couverture), la joie de la naissance. Les illustrations rappellent, par leur lisibilité et leur charme, celles de Nathalie Parain (dont le premier ouvrage s’intitulait d’ailleurs Mon chat): la filiation est flatteuse!

PS: il est possible de feuilleter (en partie) le livre sur le site de l’éditeur

 

Peter, le chat debout

Peter, le chat debout
Nadine Robert, Jean Jullien (ill.)
Little Urban, 2017

A toi, qui n’en as jamais assez des chats

Par Christine Moulin

Phil, le petit garçon qui est le héros de l’histoire, reçoit un jour, dans un paquet, un chat noir et blanc, à l’air étonné, qui s’appelle Peter (comme l’indique l’étiquette) et qui se tient debout. Pourquoi pas? La suite de l’histoire décline ce que ne sait pas faire Peter, à la différence de ses congénères (chasser les souris, jouer avec une pelote, etc.) et, en regard, ce qu’il sait faire, grâce à sa particularité déambulatoire. L’ensemble est plutôt agréable: la partie « négative » témoigne d’une bonne connaissance des chats et la partie positive laisse libre cours à une fantaisie qui frise le « nonsense » (en cohérence avec la consonance « british » du prénom de notre félin). La chute est un peu décevante car on attendrait quelque chose qui explique l’attachement de Phil pour son chat ou qui ouvrirait davantage vers le champ des émotions (même si on sent bien que c’est le caractère unique de l’animal qui plaît à l’enfant). Reste que les illustrations, très lisibles, sont drôles: Peter est très mignon…

(NB : cet album a d’abord été publié au Canada (Comme des géants, 2017).

Le chat

Le chat Magali Attiogbé Amaterra, 2017

Mon (tout premier) documentaire

Par Christine Moulin

Voilà un album qui peut initier les tout-petits à l’intérêt des documentaires. Quelques concessions sont faites à leur jeune âge: le format est carré, le carton épais, c’est le chat qui parle (ce qui, soit dit en passant, ne facilite pas forcément la lecture). La présentation est ludique: trous et rabats permettent de dynamiser les découvertes. On n’échappe pas à l’anthropomorphisme (« Ce que je préfère, c’est jouer avec mes chatons ») mais dans l’ensemble, les informations ne sont pas inexactes, sans être vraiment précises, il est vrai. Les illustrations sont engageantes. Nous avons donc affaire à un ouvrage qui plaira sans doute aux enfants passionnés de chats.