Perdu dans la ville
Sydney Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Rosalind Elland-Goldsmith
Kaléidoscope, 2020
Le chemin du retour ?
Par Matthieu Freyheit
Il n’est pas nouveau que la figure de l’enfant ou de l’adolescent puisse faire office de révélateur des troubles urbains, de ses dédales et de ses solitudes. Oliver Twist s’en faisait le héraut chez Charles Dickens, Holden Caulfield chez Salinger. Perdu dans la ville n’est cependant pas une énième histoire d’enfant aux prises avec les villes tentaculaires. Le choix de ne pas dessiner le visage du garçon (sauf, en de rares cas, des yeux inexpressifs), la dominante des gris, des noirs et du blanc, le choix climatique de l’hiver, de la neige et du vent, l’anonymat généralisé que souligne l’absence d’interactions laissent certes supposer une situation dominée par la perte, et les déambulations du personnage pourraient dans un premier temps confirmer cette intuition. Mais, d’autre part, l’adresse directe qui semble presque initier un dialogue et la formule qui se veut rassurante « Je te connais » laissent entendre une intimité plus grande. L’on découvre alors que les déambulations de l’enfant n’en sont pas, et que cette voix qui offre ses conseils est la sienne, qui donne sa personnalité et son expérience aux recoins de la ville et espère fabriquer un chemin sûr à celui qui, dans cette histoire, a vraiment disparu (quoique ?) : le chat !
Pas d’enquête, ici, mais la tendresse de vouloir offrir à l’autre ses lieux pour en faire bon usage. Les conseils formulés prennent alors un sens nouveau dès lors que le lecteur est avisé de l’identité du disparu : « Cette bouche d’aération souffle une vapeur chaude qui sent bon l’été. Tu pourrais te pelotonner dessous et faire une sieste. » Le retard avec lequel l’image donne sens au texte, le jeu des différés, le parcours du garçon que l’on suit au pompon de son bonnet, marqueur rond et rouge dans la grise géométrie de la ville, le silence que propose cette voix que l’on ne sait pas tout de suite à qui associer, le contraste entre les espaces pleins et les espaces vides : autant d’éléments qui forment une discrète poésie de l’espoir du retour, sans excès ni pathos. Un très bel album.