Jefferson
Jean-Claude Mourlevat
Gallimard jeuness (folio), 2021
Du vent dans les saules version polar militant
Par Anne-Marie Mercier
La parution d’un roman de Jean-Claude Mourlevat est toujours un événement, tant cet auteur possède un style fluide, une belle langue et excelle dans différents genres. Ici, il travaille le genre policier, proche même du thriller : Jefferson, le héros, un hérisson, découvre le corps de son coiffeur (un blaireau) assassiné et se débrouille si mal avec cette situation qu’il est accusé du meurtre. Il s’enfuit, et avec l’aide de son ami Gilbert (un cochon), il enquête au pays des humains pour trouver les vrais assassins. Filatures, enlèvement, torture même, et suspens fort ancrent le récit dans le genre de façon décidée.
La particularité de ce roman est qu’il mêle des pays aux populations différentes : l’un est celui des animaux, très anthropomorphisé : Jefferson a un pantalon (il fait pipi dedans plusieurs fois d’ailleurs), une maison, des objets, et va chez le coiffeur, par exemple, et il sera question de parapluies… Les animaux ont des activités proches de celles des humains, comme participer à un voyage organisé pour visiter une belle ville et loger à l’hôtel.
C’est justement le moyen que Gilbert trouve pour faire voyager Jefferson incognito, en l’inscrivant avec lui à un voyage qui les emmène visiter la ville où se trouvent les meurtriers. Les épisodes sont très drôles, chacun des participants a un petit (ou gros) travers, une manière de gripper l’organisation ; la patience de la jeune guide humaine est mise un peu à l’épreuve.
Sans en révéler davantage, on signalera aux parents qui feront lire ce livre à leur enfant qu’il risque bien de devenir végétarien après cette lecture. En effet, au-delà des genres du polar et du gentil roman animalier, Jefferson est un roman à thèse qui condamne fortement la consommation de viande et la présente comme un archaïsme dont l’humanité va se défaire peu à peu. Roman prophétique ?