Hors la loi ?

Hors la loi ?
Ahmed Kalouaz
Le Muscadier 2021

Que faire ?

Par Michel Driol

Badri, jeune géorgien de 16 ans, est à Lourdes, dans une famille d’accueil dont les parents militent pour l’accueil des réfugiés. Ses parents et sa sœur ont dû retourner dans la ville de leur arrivée en France. Tous sont en attente d’une régularisation, ou d’une expulsion vers la Géorgie. Ne supportant pas cette attente, Margot, la fille de la famille d’accueil, lui propose de fuir avec elle, loin de tout, dans un refuge des Pyrénées, comme pour prendre le maquis et échapper aux dangers. Une fugue de quelques jours, un road trip riche en rencontres et en fraternités diverses.

C’est d’abord le portrait et l’histoire de deux familles, celle de Badri, qui a dû fuir la Géorgie, famille séparée en France, qui  n’a pas retrouvé les conditions d’accueil des Géorgiens qui se sont exilés au début au XXème siècle. Celle de de Margot, digne héritière dans sa révolte contre les injustices de son grand-père, dont elle découvre qu’il fut un Républicain espagnol, de son père et de sa mère, militants engagés dans tous les combats pour une terre plus hospitalière. Elle entraine Badri un peu inconsciemment dans une course loin du monde, trouvant ses parents trop passifs et trop attentistes dans leur attitude.  Ce qui fait l’intérêt de ce roman, ce n’est pas le suspense ou l’intrigue : pas de fuite éperdue, de nuit en montagne, de rencontres dangereuses, pas non plus d’amour naissant entre les deux protagonistes, mais une découverte de l’autre et de soi-même pour la narratrice qui, petit à petit, prend conscience de la vanité de cette course, et rentre rapidement  à Lourdes avec sa famille, après un passage chez sa grand-mère. Ce n’est pas non plus l’assagissement d’une jeune fille révoltée par l’injustice, les délais inhumains avant qu’un avis ne soit rendu. Elle garde intacte sa force de révolte, mais comprend qu’elle peut s’exercer par d’autres moyens, et que ses parents ne sont pas forcément fautifs de chercher d’autres voies pour permettre à la famille Géorgienne de rester en France. Les personnages sont attachants, qu’il s’agisse des deux héros, ou des personnages secondaires rencontrés, comme l’aubergiste au grand cœur et sa fille. Tous portent des fêlures ou de blessures intimes, familiales qui les conduisent à venir en aide aux autres.

C’est un roman qui pose les questions essentielles de l’adolescence : pourquoi agir ? Au nom de quoi ? Comment ? Comment exprimer sa révolte ? Comment vivre avec sa conscience aigüe du monde et des injustices ? Qu’est-ce que devenir adulte ? On le voit, même s’il s’inscrit dans le cadre de la montagne, des Pyrénées, d’une fugue, des problématiques fortes d’accueil des réfugiés en France,  c’est un roman psychologique que donne à lire Ahmed Kalouaz. Au-delà de la psychologie, il donne à voir le conflit entre l’Abkhazie et la Géorgie, et les liens qui unissent ce pays et la France, en particulier le rugby qui permet à Badri de s’intégrer dans le milieu sportif pyrénéen.

Un roman d’apprentissage  optimiste sur une problématique très actuelle, un roman qui soulève de nombreuses questions, ne cherche pas à toutes les résoudre afin de laisser le lecteur faire son propre chemin.

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