Le Grand Grrrrr

Le Grand Grrrrr
Marie-Sabine Roger  – Illustrations de Marjolaine Leray
Seuil Jeunesse 2022

Une impatience sans mesure

Par Michel Driol

Lundi matin, le Grand Grrrrr a un petit paquet à livrer. Il sonne à la porte d’une petite maison, personne n’ouvre. Il attend, La pluie commence à tomber et le Grand Grrrrr  commence à s’impatienter, s’impatienter, s’impatienter au point de détruire la maison en voulant ouvrir de force la porte. Arrive alors la destinataire du paquet, une mamie très ancienne, qui le remercie pour sa patience, qualité rare de nos jours. Emu et touché par tant de gentillesse, le Grand Grrrrr se résout à reconstruire la maison, tandis que la mamie profite du cadeau de ses petits-enfants.

La colère, on le sait, n’est pas bonne conseillère… Celle qui est dépeinte dans cet album plein de drôlerie est plus proche de celle de Picrochole, de celles de Louis de Funès, ou de celle du bouillant Achille, version Offenbach, pour le plus grand plaisir du lecteur. Elle est injustifiée, elle enfle de plus en plus à la démesure de l’impatience de ce personnage, si bien nommé, que Marjolaine Leray caricature comme un monstre crayonné en noir, brouillon, brouillonnant ! Qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas un album de plus sur les émotions mettant en garde contre la colère, c’est à la fois une fable sur le pouvoir de la gentillesse et de la lenteur et une farce sur l’impatience maladive contemporaine qui fait de nous des êtres qui voulons tout, tout de suite ! Rien de plus jouissif que le texte de Marie-Sabine Roger, plein de farouches d’allitérations en gr, de jeux de mots et de néologismes savoureux. Rien de plus jouissif que cette colère qui gonfle au fur et à mesure que la pluie redouble d’intensité, une colère qui dévaste aussi bien le monde que l’individu. Rien de plus jouissif enfin que les contrastes entre le monstre qu’est le Grand Grrrr et son petit paquet à livrer, que l’opposition entre la petite mamie souriante et le Grand Grrrrr qui passe de l’extrême de la colère à l’extrême de la soumission et de la repentance.  Tout est représenté en deux couleurs expressives et très contrastées par l’illustratrice : le noir du Grand Grrrr, le rose fluo de la maison, du paquet, de la pluie, de la mamie.

Un album jubilatoire dans lequel on rit aux dépends d’un personnage incapable de se maitriser, avec la complicité d’une autrice pleine d’imagination et d’une illustratrice particulièrement inspirée !

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