Diego aime Julie

Diego aime Julie
Sophie Grenaud
Rouergue Dacodac 2023

Le triomphe de l’amour ?

Par Michel Driol

Diego et Julie sont élèves de sixième. C’est par un intermédiaire que Diego a fait sa déclaration et a demandé à Julie si elle l’aime aussi. Que répondre à cela ? Julie ne sait pas… et lui fait transmettre qu’elle sonnera sa réponse vendredi. En attendant, elle interroge sa mère, puis sa grande sœur sur l’amour. Cette dernière lui affirme que si elle ne sait pas si elle l’aime, c’est qu’elle ne l’aime pas, et lui conseille de le lui dire, sans l’humilier. Comment ? En lui écrivant une lettre, disent les tutos. Mais par la faute d’un enseignant peu délicat, cette lettre est lue à haute voix en classe… Et sur ces entrefaites, on demande à une élève de préparer un discours pour le 8 mars. Et quand le professeur de sciences naturelles met en binôme Julie et Diego pour disséquer une grenouille, et que ce dernier se sent mal, les deux ados se parlent enfin pour de vrai, et se découvrent. Amoureux ? Amis ?

Ecrit du point de vue de Julie, voilà un roman plein de délicatesse sur l’identification des sentiments, sur les relations filles – garçons,  sur la pression sociale qui entoure le fait « d’être en couple » dans un collège. Que signifie être amoureux quand on a entre 9 et 12 ans ? Un truc de grand, qui flatte à coup sûr l’ego – et Julie pense que si Diego l’aime, c’est qu’elle n’est pas aussi nulle que cela… Un truc dont on parle, avec la mère, avec la grande sœur, qui sont toutes deux à l’écoute, bien que de façon différente, mais pas avec les copines. Pourtant, elles sont quelques-unes à côté de Julie, mais on sent que dans le groupe, aussi bien du côté des garçons que des filles, outre les remarques assez lourdes des uns, la seule question qui les intéresse c’est de connaitre la réponse de Julie. Comme s’il y avait là la trace de certaines séries pour ados où l’enjeu est de savoir qui sort avec qui. L’intéressant, dans ce roman, c’est de voir à quel point cette pression sociale n’a pas d’influence sur la décision de Julie, qui s’avère être, avec ses doutes, ses désarrois, ses questions, indépendante. C’est sans doute en cela qu’elle fournit un modèle positif aux lecteurs et aux lectrices dans sa façon, toute en délicatesse, d’expliquer ses sentiments dans une lettre touchante et sincère. Preuve, s’il en était, de l’importance des mots. Cette importance des mots, on la retrouve aussi dans le résumé qui est fait du discours prononcé par Kali le 8 mars, mots appelant les garçons à changer le monde et les filles à oser. Dans cet univers où, par convention sociale, par timidité, on s’observe de loin, rien ne vaut la parole directe. C’est aussi ce que montre ce roman qui, suite à la maladresse du professeur de sciences, met enfin en contact direct les deux héros, leur permet de découvrir leurs points communs, de se parler enfin, sans personne autour d’eux. Comme si ce droit à l’intimité était un luxe dans le monde du collège où tout est fait en public.

Sur le sujet souvent traité des premières amours, ce roman fait entendre une voix singulière. D’abord parce qu’il ne prend pas son héroïne pour une adulte en miniature, mais lui laisse son âge, sa naïveté de petite fille qui appelle, dans le texte, sa maman Maman, qui a besoin du soutien des adultes. Voilà un roman qui dit qu’il y a un âge pour tout, et qu’il ne faut peut-être pas grandir trop vite, imiter les adultes. Ensuite parce qu’il sait dédramatiser in fine tout en offrant une vraie perspective quant à l’évolution possible des relations filles-garçons. Se parler, se respecter, se découvrir, voilà l’essentiel. Enfin parce que le monde des adultes est traité sans complaisance. Entre la Maman de Julie, et ses gourous zen évoqués, deux professeurs sans aucun tact, une professeur de français assez rigide, ce monde-là ne semble pas prêt à écouter pour de vrai et à conseiller.

Un roman court et pertinent pour aborder cet entre-deux que constituent la préadolescence et ses questions.

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