La Sourcière

La Sourcière
Elise Fontenaille
Rouergue épik 2021

Au pays des volcans endormis

Par Michel Driol

Un soir de lune rousse, la Brodeuse recueille une jeune fille enceinte, qui meurt en donnant naissance à une fillette à la chevelure rousse, Garance. Celle-ci se révèle savoir côtoyer les animaux, adopte une renarde, et a le don pour faire naitre de l’eau un été de sécheresse. Protégée par l’Archevêque, à l’abri derrière un voile d’invisibilité, la Brodeuse élève Garance, avec l’aide de la Gitane, du Luneux et du Vielleux. Mais près de là rode le terrible Saigneur et ses Moines rouges. Et Garance est si jeune et  belle…

On est dès l’abord séduit par l’écriture d’Elise Fontenaille dont les mots, les phrases courtes, souvent nominales, la façon de nommer les personnages, créent un univers à part, un univers à la fois bien réel, dans ses notations, son souci du détail et un univers merveilleux, par la magie omniprésente. Si les personnages ont des pouvoirs secrets, connaissance fine des plantes, pouvoir de métamorphose, s’ils ont un nom (Gallou, Garance), il sont surtout dénommés par leur activité, comme un surnom, et cela contribue à faire pénétrer le lecteur dans cette petite communauté en marge du monde, vivant de son art (la broderie, la musique…). Univers féminin pour une grande part, avec, en arrière-plan, les figures tutélaires des sorcières, guérisseuses et détentrices de savoirs, figures traquées. Mais quelques hommes ne manquent pas d’intérêt, comme cet aveugle, le Luneux, ou, mieux encore, l’Archevêque, un prélat qui a perdu la foi mais profite de sa position sociale pour protéger la Brodeuse et empêcher qu’on brûle des sorcières.

Personnages de conte, donc, inscrits dans un lieu de pierres noires, les abords de l’Abbaye de Chanteuges, dans un temps, le Moyen Age, inspirés de l’histoire locale (l’abbaye fut effectivement repère de brigands), personnages que l’on sent menacés sans cesse. La force de l’histoire est de faire pressentir le combat que devra mener Garance contre le Saigneur, combat étonnant qui lui révèlera à la fois son origine et rendra au Saigneur une partie de son innocence, comme une ultime rédemption. Dans cette histoire de communion des femmes avec la nature, les animaux jouent un grand rôle : une chouette, un chien, une salamandre qui, au fil de ce récit, prennent la parole pour se dire, donner leur point de vue sur les humains. L’ensemble, pleinement réussi, est plein de poésie, voire parfois d’un certain lyrisme dans l’expression des sentiments, montrés ou cachés.

Des femmes libres, courageuses, fortes d’une force pleine de mystère et de sources ancestrales, dans un univers de conte plus que de fantasy où rôdent les menaces, pour une histoire envoutante à la fois simple dans sa linéarité, et pleine d’humanité complexe.

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