Ash House

Ash House
Angharad Walker
Traduit par Maud Ortalda
Casterman, 2021

Belle et inquiétante étrangeté

Par Anne-Marie Mercier

Souvent, les quatrièmes de couverture exagèrent. Celle-ci m’avait laissée dubitative : « Un roman exceptionnel à l’inquiétante étrangeté, « dans la lignée de Miss Peregrine et les enfants particuliers et Sa Majesté des mouches » (Goodreads) ». Eh bien, une fois le livre refermé, on se dit que ces propos sont justes, peut-être davantage du côté de Miss Peregrine que du roman de Golding plus ancré dans la réalité.
Ash House est étrange : la maison faite de cendres, les enfants, garçons et filles, dépenaillés qui y sont pensionnaires depuis des années, le directeur, absent depuis un certain temps, le docteur inquiétant, qui semble le remplacer temporairement, les animaux monstrueux gardés dans des cages et laissés libre la nuit, la frontière infranchissable entre le dehors et le dedans. Les efnants vivent dans une serre envahie par la végétation à certains endroits ; le manoir leur est interdit : c’est le domaine du directeur et du docteur.
Le héros de l’histoire, qui d’emblée a oublié son nom et à qui on a donné celui de Sol, pour Solitude, arrive de l’hôpital où il était soigné pour des douleurs récurrentes et incurables : il doit, lui a-t-on dit trouver le salut dans cette institution. Il découvre un univers étrange, sans adultes tout d’abord, dans lequel il peine à trouver sa place. Il est d’abord rejeté par cette communauté dont il ne respecte pas les codes (les « Obligeances) malgré l’aide de son ami, Dom (pour Freedom).
Les autres enfants se nomment Concord, Harmony, Verity, Merit, Justice, etc. Noms de vertus qui sont autant d’ « Obligeances ». Une fille, Clem, manque, morte sans doute, personne ne veut en parler. Elle apparait à Dom et lui souffle des avertissements, conseils pour rompre avec la malédiction qui semble les enchainer à l’attente d’un coup de téléphone du directeur qui ne vient pas. Tous ces personnages d’enfants fantomatiques sont à peine esquissés et pourtant ils prennent corps. Leurs gestes, intonations, réactions, souvent à peine indiqués, leur donnent vie.
Leurs «leçons» sont étranges, répétitions des Obligeances à n’en plus finir comme un mantra. Chacun est assigné en dehors des « cours » à une tâche : cuisine (des vivres leurs sont livrés, puis la livraison s’arrête), nettoyage, soins aux animaux… Sol fait équipe avec Dom pour la surveillance des drones qui filment le domaine.  Tout s’emballe quand le docteur fou commence à s’intéresser à Sol…
Histoire toute en nuances de gris de cendre ou de noir de cauchemar, parfois terrifiante, le roman est d’une étrange beauté, pour s’achever dans un suspens haletant et sur une étrangeté qui reste irrésolue.
Feuilleter et voir la bande-annonce (bien gothique, à l’image de la couverture, parfaite).