Martha la terrible

Martha la terrible
Marek Vadas, Daniela Olejníkovà
Traduit (slovaque) par Edita Emeriaud
Thierry Magnier, 2023

L’enfance d’un tyran (corrigé)

Par Anne-Marie Mercier

Voilà un joli album acidulé et même un peu acide qui présente un personnage d’enfant cruel avant d’imaginer comment l’amender. Le propos passe par la fantaisie : Martha va en vacances chez sa grand-mère et les animaux redoutent sa venue, sachant qu’ils vont vire avec elle tout l’été un enfer : elle trouve son plaisir à les tourmenter, à tirer queues et moustaches, à arroser ou enfermer même les plus petits.
Une nuit, tous les animaux décident de lui donner une bonne leçon et tiennent conseil pour savoir jusqu’où ils peuvent aller à leur tour dans la cruauté… La mesure l’emportera heureusement et le lendemain oiseaux, vache, chèvre cochons etc. terroriseront la fillette sans la mettre en danger. Elle comprendra ainsi ce qu’on ressent dans cette situation et  changera de comportement. Nous voilà rassurés, Martha n’était pas méchante ; elle ne savait tout simplement pas ce qu’elle faisait.
L’aspect édifiant de l‘histoire n’est pas le principal atout de cette histoire malgré son intérêt (c’est un message utile pour tenter de corriger doucement de nombreux enfants plus farceurs que cruels avec les animaux). Les images de Daniela Olejníková surprennent par leur originalité : couleurs fluo, fonds blancs, colorés ou noirs selon l’atmosphère, technique d’impression traditionnelle proche de la sérigraphie, dessins stylisés, tout cela donne un relief étonnant aux personnages, tantôt attendrissants, tantôt inquiétants et pour finir souriants.

Romy et Julius

 Romy et Julius
Martine Carteron et Coline Pierré
Rouergue 2020,

Roméo et Juliette revisité

Par Maryse Vuillermet

Le titre ne vous rappelle rien ?  Roméo et Juliette peut-être et vous auriez raison, ce roman est une variation autour du thème de l’amour empêché,  une variation originale et très contemporaine.  La structure de la tragédie shakespearienne est respectée, l’action se déroule en cinq actes, un chœur de villageois commente, et deux camps s’affrontent. Mais ce texte est écrit à quatre mains. On est dans un village très banal » comme il y en a mille », et à notre époque. Romy, l’héroïne et narratrice de l’histoire est la fille du boucher, elle est dynamique, bonne fille, passionnée de théâtre, elle aide son père et son frère à la boucherie depuis le départ de leur mère. Julius, autre narrateur, vient de la ville, il est végétarien, doux et extrêmement timide.  Les deux camps ennemis de ce village sont les historiques, ceux qui sont nés là, y habitent depuis plusieurs générations, parmi eux Juliette, et les nouveaux venus, souvent des urbains, néo-ruraux, parmi eux, Julius et son ami Ayden. Parmi les historiques, une bande de jeunes, violente, réactionnaire, leur chef est Richard, le fils du directeur de l’abattoir, et parmi les nouveaux venus, une autre bande d’activistes, défenseur des droits des animaux, prête à toutes sortes d’actions radicales pour défendre leur cause et parmi eux, Ayden et Julius.

Romy et Julius vont se retrouver à l’atelier théâtre du lycée, qui, cette année, prépare comme spectacle de fin d’année la pièce Roméo et Juliette.  Mais rien ne va se passer comme prévu.

J’ai beaucoup aimé la description de la vie du village, entre traditions et modernité, ses concours de cri de cochon, son élection de Miss andouille, la solidarité et, non loin, une communauté de militants radicaux, squatters, et adeptes de la permaculture. Les nombreux personnages secondaires sont intéressants aussi, les profs de théâtre, la petite sœur de Julius, la tante de Romy, son père et son frère, tous sont assez complexes et capables de nous surprendre

J’ai aimé aussi l’enchaînement inéluctable des actions qui mènent au désastre, comme le veut la tragédie, sauf que…