Au secours un monstre !

Au secours un monstre !
Francesco Pittau
Gallimard Jeunesse Giboulées 2016

Comme un lointain  avatar de la pieuvre et de Gilliatt 

Par Michel Driol

pitauTrois garçons et une fille qui fuient devant un monstre dont on ne voit que les tentacules. Cours, Forest, cours ! Ils courent à travers la ville, à l’aide de trottinettes, mais le monstre est toujours là, avec ses tentacules orange menaçantes. Le tronc d’arbre sur lequel ils traversent le précipice casse, et les voici à l’eau. Le monstre est toujours là, glissant lentement vers les quatre héros… avant que l’on découvre qu’il est le monstre des chatouilles, à la tête hilare…

Le dispositif narratif est efficace : le monstre est hors-champ, on ne voit que ses tentacules qui émergent de la marge de gauche, tandis que les enfants courent de la page de gauche à celle de droite. Toujours saisis en mouvement,  à l’horizontale, de bas en haut ou de haut en bas. Leurs places respectives dans la fuite sont conservées : Milena toujours devant, Fabio toujours derrière. Du coup, seul le décor change de page en page, un décor assez stylisé pour que le regard ne s’attarde pas trop sur lui, et qu’on se focalise sur cette fuite devant les tentacules…

La chute finale range ce monstre dans la catégorie déjà surpeuplée des monstres gentils. La peur n’avait donc pas lieu d’être. Et tout finit dans un éclat de rire. Certes, on le sait, dans toute la tradition carnavalesque, les monstres ne sont que de pacotille, et le rire est libérateur. Mais, dans cet album, juste une fuite avant de s’apercevoir que l’on s’était trompé, qu’on avait tort d’avoir peur, et que le méchant ne l’était pas. Le danger n’est pas affronté, et le rire est moins celui d’avoir vaincu sa peur que d’être victime d’un monstre chatouilleur… Comme s’il s’agissait de montrer aux lecteurs-enfants que les peurs sont stupides, qu’il ne faut pas se fier à l’apparence, et que les monstres n’en sont pas.

Un album au rythme soutenu, mais qui ne manque pas d’interroger sur la place des monstres dans l’imaginaire contemporain, et la littérature de jeunesse en particulier.

Berty le plus cool des monstres

Berty le plus cool des monstres
Didier Lévy Delphine Renon
Grasset Jeunesse 2016

Berty, Bingo, Marius et les autres

Par Michel Driol

bertyCe recueil réunit quatre histoires dont le personnage principal est Berty. Ce dernier fait partie de la catégorie des monstres sympathiques, qui voie la vie du bon côté, et s’empresse d’aider les autres. Arborant toujours un large sourire, sa bonne humeur est communicative. Ses défauts ? la gourmandise et la peur des piqures, peut-être, voire la paresse (avec un côté Alexandre le Bienheureux)

Dans la première histoire, il console son ami le lutin dont la panoplie de super Bingo est arrivée trop tard et en mauvais état. La seconde histoire est sans doute la plus touchante : Marius, caché sous son sac en papier, avoue à Berty qu’il a honte d’avoir honte de sa mère, qu’il trouve moins monstrueuse que les autres mères. Dans la troisième, Berty aide son ami Tom le fantôme, chassé de la communauté des fantômes pour avoir perdu son drap. Enfin, la quatrième confine au burlesque avec  renversements de situation et running gags… dans un univers médical.

Les illustrations offrent une bonne complémentarité au texte, offrant de multiples petits personnages,  ou le prolongeant comme dans cette page où Berty cherche, absolument partout, le drap de Tom.

Ce recueil, plein d’imagination et d’humour, invite à ne pas prendre au tragique les petits tracas du quotidien et à toujours voir le bon côté des choses. L’univers de Berty est celui des petits riens, Berty faisant face à la mauvaise foi des autres, leurs angoisses, leurs désespoirs avec une constante bonne humeur salvatrice. Reste qu’on s’interroge sur ce stéréotype actuel du monstre gentil : de Casimir à Shrek,  en voici un nouvel avatar. Car Berty n’a rien de monstrueux, mises à part sa grande taille et sa grande barbe (Comme Hagrid dans Harry Potter). Mi-homme par sa stature et ses vêtements, mi animal par ses oreilles et ses cornes, il est à l’image des autres personnages  de ce recueil (sauf Marius, le plus humain, petit garçon sous son sac en papier). La monstruosité permet alors la création d’un univers de fantaisie, de poésie, mais n’est ici en rien liée à la thématique de l’acceptation de la différence, dans ce recueil qui préconise une morale de la bienveillance.