La Couleur de la rage

La Couleur de la rage
Jean-Noël Blanc
Gallimard (scripto), 2010

Ados en colère

Par Anne-Marie Mercier

A travers six nouvelles, Jean-Noël Blanc propose des portraits d’ados en révolte. Il laisse certains dans leur silence, comme le héros du premier texte, « fugue en mineur » : le cas de Yann, en fuite, est esquissé par les témoignages de son entourage (parents, amis, professeurs…) et des personnes qu’il rencontre dans son errance (passants, squatters, policier, médecin…). On retrouve les procédés de l’Enfant Océan, de façon plus ramassée ; les personnages sont très typés, presque trop ? Mais en contrepartie la nouvelle va ainsi au plus pressé, au cœur du sujet.

Ailleurs, c’est le ring de Théo, boxeur amoureux éconduit, un étang, un car de voyage scolaire à Auschwitz, la maison d’un écrivain disgracié à Moscou, une partie de Ping Pong entre père et fils. Des situations et des tons très variés montrent l’ampleur de la palette de Jean Noël Blanc qui combine récit réaliste, confession, introspection, dialogues, évocation historique, pour montrer la force et la faiblesse de ses personnages, terriblement seuls, avec lesquels les autres tentent d’enter en contact, maladroitement et souvent en vain. Rien de révolutionnaire, ni dans la forme ni dans le thème, mais de la belle ouvrage.

Passages

Passages
Maïa Brami
Océan ados, 2010

Histoires de vies, histoires de minutes

par Dominique Perrin

Quatorze récits brefs surimposent autant d’instantanés de vies d’adolescents d’aujourd’hui, en métropole et hors de métropole. Les instants, les points de vue détachés sont parfois cocasses, parfois graves, tendus ou d’une sérénité communicative, souvent tout cela ensemble. Chaque récit introduit un nouveau personnage, avec un fragment bref mais d’une certaine manière complet, en tous cas continu, de son expérience et de son temps.
Ces jeunes protagonistes jouent leur identité, les conventions qu’ils connaissent ou qu’ils ignorent, leur vie parfois. Au sein d’un même récit, et finalement à l’échelle du livre, la narration à la troisième personne se maille avec des confidences, des monologues intérieurs, des bribes de conversations. La circulation linéaire ou non au sein du recueil peut révéler des liens, selon l’implication interprétative du lecteur, existants, ayant existé, ou même à venir entre certains d’entre eux. A l’échelle du recueil, la société commune où s’insèrent ces sujets sans statut économique et politique stabilisé est bien celle dont le cadre complexe, ouvert et inégalitaire s’impose à l’ensemble des lecteurs contemporains possibles, quel que soit leur âge : c’est un signe certain de réussite littéraire.