Fred Rodrian, Werner Klemke
Henri le petit cerf
Circonflexe, 2011
Un trésor « est-allemand »
Par Dominique Perrin
Un jeune cerf amené de Chine dans un zoo d’Allemagne tente de se faire à sa nouvelle existence, avec beaucoup de bonne volonté et d’exigence en même temps. Les visites des enfants parviennent à le rendre heureux, mais à l’approche du solstice d’hiver, leur suspension l’affecte vivement – sa connaissance de la société humaine étant lacunaire concernant les fêtes de Noël. Voici donc Henri le jeune cerf parti pour regagner les forêts de Chine : la chose est périlleuse et éprouvante, et le jeune animal rebrousse finalement chemin vers le zoo lorsqu’il comprend mieux les usages des humains et retrouve des enfants sur sa route.
Mais peu de choses transparaissent, dans ce simple synopsis, de la qualité très singulière de cette œuvre parue en RDA en 1960 : il faut surtout dire l’humour sans équivalent, aigre-doux et tendre, du dessin autant que du texte, la justesse constamment imprévisible du décentrement dans le point de vue de l’animal candide et lucide. Les deux pages de présentation savante – caractéristique de la collection « aux couleurs de l’Europe » soutenue par la Bibliothèque internationale pour la jeunesse de Munich – rappellent le parcours prestigieux et la popularité réelle, auprès des aultes comme des enfants du dessinateur Werner Klemke (1917-1994) en Allemagne de l’Est. Son association régulière avec l’également talentueux Fred Rodrian, spécialisé quant à lui dans la littérature de jeunesse, donne ici lieu à un ouvrage extrêmement tendre et incisif, qui constitue, sans doute, un témoignage parlant de la tonalité singulière de la création littéraire pour la jeunesse en RDA.