Le Secret du clan

Le Secret du clan
Gilles Baum – Illustrations Thierry Dedieu
HongFei éditions 2020

Il y a des choses qu’on peut admirer sans comprendre

Par Michel Driol

Comme chaque été, un grand-père accueille sa petite fille dans son ile de pêcheurs. Elle remarque qu’il a un crabe tatoué sur l’avant-bras, comme quelques autres insulaires, et, le soir de la fête des âmes, elle le montre à son grand père. Un peu plus tard, il l’emmène avec lui voir un crabe géant, secret du clan, et lui donne, avant son départ, un crabe origami.

Cette histoire, simple en apparence, qui reprend les codes de l’enquête sur une chose étrange, offre différents niveaux de lecture. D’une part il est question de la relation entre une petite fille et son grand père, de ce moment de complicité que constituent les vacances. Il est question aussi de la relation entre la science et l’expérience, l’instituteur prouvant qu’il va faire beau, alors que le grand père sait qu’il va pleuvoir. Il est question d’héritage culturel, qui saute une génération : le père a quitté l’ile, lui tournant le dos, c’est à la petite fille de s’emparer de cette histoire familiale, selon le vœu de la grand-mère décédée. Il y est question de la nature, surprenante, à observer, à admirer, à protéger. Il y est enfin question d’initiation, de recherche d’une transcendance, symbolisée par ce crabe majuscule, majestueux, quelque chose comme la recherche du sacré, qui dépasse les générations, réunit vivants et morts dans la contemplation de quelque chose à admirer, sans forcément le comprendre. Tout ceci est suggéré dans un texte énoncé par la petite fille, dans une langue d’une grande simplicité, un texte qui se veut aussi concret et factuel que possible, mais qui donne la parole au grand père pour justifier les raisons du secret et le mettre à distance par rapport aux pouvoirs établis (science, argent, forces de l’ordre)..

Les illustrations de Dedieu  se concentrent sur les personnages, en faisant disparaitre tout arrière-plan pittoresque. Cette extrême stylisation ne conduit donc pas dans un extrême orient de pacotille, mais tente, à la façon peut-être d’une esquisse, d’en dire l’essence même, en parfait écho à l’album.

Un bel album qui signe ici la dixième collaboration entre ses deux auteurs.