Gregor, t. 2 : La prophétie du fléau

Gregor, t. 2 : La prophétie du fléau
Suzanne Collins
traduit (anglais, USA) par Laure Porché
Hachette, 2012

Répétitions et variations

Par Anne-Marie Mercier

Nouvel engloutissement sous la terre, nouvelle mission, nouvelle prophétie, ce volume reprend les éléments du précédent avec des variations : ce n’est plus son père que cherche Gregor, au pays des rats géants, des chauves-souris et des cafards, mais un ennemi redoutable et inconnu (le « fléau »), sa petite sœur est de plus en plus menacée (et jugée morte comme d’autres amis après un combat terrible contre de monstres marins), le voyage sous terrain se fait sur l’eau et non en volant à dos de chauves-souris.

Il y a de nombreux renversements : on tombe dans des dangers inattendus, tandis que ceux que l’on appréhendait se dissipent, des disparitions et réapparitions, du suspens et de l’humour (les vers luisants sont assez bien vus, tout comme la rate asociale), des moments de psychologie (avec le mélancolique Ares).

Et après cela, retour à la case départ, en attendant la nouvelle mission. La structure évoque celle de Narnia: deux univers parallèles et des héros qui naviguent de l’un à l’autre en des épisodes autonomes mais qui se souviennent des précédents.

Gregor, t. 1, La prophétie du gris

Gregor, t. 1, La prophétie du gris
Suzanne Collins

Hachette jeunesse, 2012

Envols souterrains

Par Anne-Marie Mercier

Voici une nouvelle série de Suzanne Collins – moins violente que Hunger Games, qui a fait tant de bruit dernièrement, avec son adaptation au cinéma – qui propose les aventures d’un héros plus jeune accompagné de sa toute petite soeur qui parle à peine. Il s’adresse donc à de plus jeunes lecteurs et certains seront déçus, d’autres contents.

Dans cette histoire captivante, Gregor et sa soeur Moufle se retrouvent dans un monde souterrain peuplé d’animaux gigantesques : cafards, chauves-souris, rats et araignées, et d’humains aux yeux violets et à la peau pâle. Ils participent à un affrontement entre divers peuples, volant à dos de chauves-souris dans des tunnels interminables ponctués de grottes belles et inquiétantes, mais toujours sombres, très sombres.

C’est aussi un mélange intéressant d’ingrédients très classiques du roman d’aventure : une quête (celle du père, disparu), une princesse rebelle, une trahison… L’histoire est portée par le dévoilement progressif du sens d’une prophétie mystérieuse – thème que l’on trouve depuis les romans de la Table ronde jusqu’à la science-fiction (Dune) en passant par Le Prince Éric – comme par une poésie des mondes obscurs assez attachante. Enfin, si le prénom du héros évoque celui de La Métamorphose de Kafka et si sa chute dans le monde souterrain ressemble fort à celle d’Alice, on est loin de ces chefs d’œuvre. Mais l’invention de ce monde, peu merveilleux mais très original, n’appartient qu’à Suzanne Collins (je crois) et l’ensemble est remarquablement bien organisé. Le dosage des éléments est savamment combiné : un peu de suspense, un peu de sentiment (pas trop), un peu de stratégie, beaucoup de conflits de loyauté, un peu de violence (pas trop), enfin, un monde imaginaire auquel on croit, bien taillé pour plusieurs volumes.