De l’autre côté du lac

De l’autre côté du lac
Anne Brouillard,
Le Sorbier, 2011

Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre,

par Christine Moulin

Anne Brouillard n’a pas son pareil pour créer un univers envoûtant avec rien. Rien si ce n’est un chemin (comme dans Le chemin bleu, autre magnifique ouvrage, publié il y a sept ans, déjà…), celui qu’un présent quasi atemporel nous invite à suivre dès la première phrase : « Le chemin bordé d’arbres tourne autour du lac dans l’ombre et la lumière ».

Rien, si ce n’est une superbe maison, de celle que l’on aimerait habiter, pleine de lumière, de tendresse (un tissu rouge à carreaux, un évier où sèche la vaisselle, des chaises en bois, toutes simples, un buffet, bien sûr, quelques livres posés sur la table, une bouilloire : c’est tout juste si on ne respire pas comme une odeur de café ou de thé en découvrant la double page où se succèdent quatre tableaux paisibles, décrivant  le monde vu de ce côté-ci du lac). Cette maison appartient à Tante Nadège, et Lucie, une petite fille dans les dix-douze ans, y est en vacances, sans doute.

On découvre aussi, avec bonheur, Alpha et Toka, deux chats, l’un blanc, l’autre tigré, merveilleusement croqués et croyez-moi, rien n’est plus difficile à dessiner qu’un chat ! Mais le premier livre de l’auteur, c’était, rappelez-vous, Trois chats.

Tout pourrait rester ainsi, en équilibre, dans la douceur estivale de cette maison de famille, mais « l’autre côté du lac », que Tante Nadège associe visiblement au souvenir et à l’enfance, va faire signe, dans tous les sens du terme. « Un matin, Lucie remarque quelque chose de bleu qui brille dans les arbres ». Bleu, la couleur du temps, chez Anne Brouillard…

On prépare l’expédition car c’en est une. On se lance. Il faudra marcher longtemps, construire un pont. Le résultat sera à la hauteur de l’attente. Manet et son Déjeuner sur l’herbe sont même convoqués. Mais l’essentiel est dans le décalage, le point de vue différent porté sur l’existence : il suffit de passer le pont… et l’aventure commence, à la fois intérieure et universelle.

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