Bjorn aux armées, I
Thomas Lavachery
Ecole des loisirs (medium), 2010
Le retour d’un héros de fantasy
par Anne-Marie Mercier
Ce Bjorn est un héros de fantasy fort attachant : après 5 volumes, il captive toujours. Je me souviens qu’en 2007 (sur Sitartmag, voir ci-dessous) je disais grand bien de la fin de la tétralogie de Bjorn aux enfers et du volume qui avait ouvert le cycle (Bjorn le morphir), un peu moins de ce qui avait été publié entre les deux. Ainsi, il me semblait avoir fait le tour de la question et j’ai ouvert avec un certain retard le premier volume du nouveau cycle d’aventures, « Bjorn aux armées », sans grand enthousiasme, me disant que j’allais trouver du même, sans doute en moins bien.
C’est un peu pareil, mais ça reste très bien. Du côté du pareil : on est chez les Vikings, peu après l’an mil : autant dire que l’entourage est rude. Il y a des humains et quelques peuples tirés des mythologies du Nord ou inventés par l’auteur. Un peu de magie, des dragons, un fantôme… Le tout tenu par une écriture simple mais pas simpliste, précise, et de nombreux dialogues. Les personnages, nombreux, ne sont pas d’une grande complexité psychologique, ni les situations, mais bon, on n’est pas chez les Vikings pour se compliquer la vie, déjà que l’intrigue rebondit sans cesse.
Du côté du différent : on n’est plus dans les aventures d’un petit groupe face à des créatures infernales, ni dans un espace imaginaire, mais dans ce qui ressemble à une geste médiévale. Une invasion étrangère menace le pays et le roi qui avait envoyé Bjorn en mission aux enfers n’a plus que quelques jours à vivre quand il désigne le « Jarlal », le chef de guerre qui doit diriger les armées sur terre et sur mer. On devine que, à la surprise générale – qui est aussi celle du lecteur, tant le point de vue de Bjorn est convaincant dans ce récit à la première personne – c’est le héros de quinze ans qui est désigné. Il a beau être devenu riche et puissant après avoir vaincu les créatures infernales, être un « morphir » (lire le premier volume), posséder en cachette un dragon de première classe, avoir une parfaite guerrière pour « fiancée », et être très aimé de ses parents et amis, il a un doute sur ses capacités. D’autres aussi, d’ailleurs. Tout cela le rend sympathique, comme son amitié avec des personnes d’autres races, des « demi-humains », des Trolls… joyeusement peu raffinées.
Le récit des manoeuvres des uns et des autres, de la stratégie de Bjorn et des différentes batailles n’ennuie pas, au contraire : on suit avec intérêt l’édification de son personnage de chef d’armées. Les scènes de veille ou de lendemain de combat font un peu images d’Epinal (un côté napoléonien ?), ce n’est pas sans charme. La touche de fantastique est présente dans ce volume de façon plus discrète, mais reste séduisante.
Enfin, les nombreuses péripéties font qu’à la fin du volume Bjorn a tout perdu, au moins provisoirement, même son épée (magique), même son dragon et le corbeau qui parle, et sa fiancée et tous les autres. Cela fait qu’on attend avec intérêt le(s) volume(s) suivant(s) : on ne va tout de même pas laisser un héros, fût-il viking, dans cet état, non ?
Bjorn aux enfers (IV. La reine bleue), de Thomas Lavachery, Ecole des loisirs (medium), 2007
Si certains tomes précédents de cette série s’étaient avérés un peu décevants par rapport à la belle surprise qu’avait été le premier roman (Bjorn le morphir), ce volume qui clôt l’épisode des enfers est une réussite. On y retrouve les personnages qui accompagnent le héros dans sa quête, hétéroclites comme il se doit. La belle Sigrid, fiancée de Bjorn est toujours aussi courageuse et aimante, et Bjorn souffre pour elle mille maux ; ses autres compagnons ne manquent pas d’humour et agissent parfois de façon imprévisible, ce qui renouvelle l’intérêt.
Ici, ils arrivent enfin au royaume de Mamafidjar, personnage gigantesque et monstrueux, mais terriblement fleur bleue (ce qui le rend très dangereux). La peinture du monde des enfers, où les morts côtoient les vivants dans une ville gigantesque et en perpétuelle expansion, a beaucoup d’allure, avec de la poésie parfois et des trouvailles. La plupart du temps, les héros sont prisonniers, tantôt dans un bateau, tantôt dans un cachot, et c’est une bonne chose : l’action se resserre autour de petits événements, de rencontres, de suspens, de méditations (pas trop longues, qu’on se rassure) et de moments de terreur qui donnent à Bjorn une belle stature héroïque, physique et morale.
La fin du roman échappe aux conventions du genre. En effet, si la mission (sauver le prince Sven) est bien accomplie, on découvre qu’elle se révèle d’une nature assez problématique (ce qui fait imaginer une suite possible à cette série).
A. M. Mercier (février 2007)
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