Enfants de la forêt
Béatrice Masini
La joie de lire (encrage), 2012
Le livre des enfants perdus
par Anne-Marie Mercier
Le thème de la robinsonnade est ici renouvelé par l’univers du conte et de la science-fiction. Dans un monde post-apocalyptique, des enfants ayant survécu à la catastrophe et d’autres issus d’éprouvettes sont parqués à l’air libre autour d’un centre où vivent quelques adultes qui les surveillent plus qu’il ne les aident. Malgré l’abrutissement provoqué par le médicament qu’on leur distribue pour les empêcher de se souvenir, un groupe d’enfants résiste. L’un d’eux a trouvé un livre et, après l’avoir longtemps caché, le partage avec les autres. Ils s’enfuient dans la forêt, guidés par des contes traditionnels. Par eux ils savent par avance que jamais les adultes ne secourent les enfants perdus, donc qu’ils doivent se sauver eux-mêmes et pour cela se trouver un lieu pour vivre – qu’ils ne trouveront pas, du moins pas comme ils l’imaginent.
Si la fin est un peu abrupte et décevante par son réalisme, la plus grande part du roman est d’une grande poésie. On y trouve de très belles idées : celle qui consiste à mélanger des enfants « normaux » et d’autres qui, issus d’un laboratoire, n’ont pas connu d’enfance ; celle des bribes de souvenirs, les « tessons », lumineux et douloureux ; celle d’enfants qui redécouvrent à travers un livre un langage plus riche, des sentiments nouveaux, qui construisent entre eux des relations autres que de domination/soumission ; celle des contes traditionnels comme modèles à suivre (pour le pire et le meilleur).
Enfin le cadre de la science-fiction propose un contre-point à l’univers du conte : deux adultes du centre suivent le groupe à l’aide d’une caméra, s’inquiètent pour eux, voient venir le drame, proposent un reflet au lecteur-voyeur. Ainsi, ce roman plein de références directes aux contes renouvelle la thématique de l’enfant perdu, du Petit Poucet, et surtout de l’ogre : au-delà de la forêt, il y a un peuple dont on a peur…