Le Miroir brisé

Le Miroir brisé
Jonathan Coe

Traduit (anglais) par Josée Kamoun
Gallimard Jeunesse, 2013 (2012)

Roman-pâtisserie

Par Matthieu Freyheit

C_Le-miroir-brise_633Claire, huit ans, découvre un fragment de miroir dans une décharge. On s’en doute, le déchet recèle un vrai trésor philosophique (on pense à La Poubelle d’Ali Baba, de Lorris Murail). De fait, la jeune fille se rend bientôt compte que le miroir ne reflète pas la réalité qui l’entoure. Le quotidien, nécessairement triste, est métamorphosé par le pouvoir déformant du miroir. Dans son reflet, les images se multiplient : la grisaille du ciel est un bleu insolent, la tapisserie des murs s’éveille au mouvement des baleines et des serpents de mer, la petite maison de banlieue s’élance en château somptueux, et une licorne apparaît à l’orée d’un bois qu’on imagine enchanté. Excessif ? C’est peu dire.

Dans ce roman-pâtisserie, l’auteur multiplie les images sucrées et indigestes, encore appuyées par des illustrations au kitsch rare. Certes, la fable cherche à bien faire : Claire apprend à regarder le monde d’un œil nouveau, jusqu’à espérer et agir pour que le reflet déborde des cadres du miroir, pour que la beauté colonise son monde. Mais enfin le message reste simpliste, et le discours s’articule autour de scènes convenues : la découverte de l’injustice, celle du désir sécuritaire des méchants riches qui méprisent les autres, celle du propre visage de Claire, débarrassé de son acné, celle des conflits déséquilibrés entre les bien lotis et les sans-abris, etc. J’en passe. On attend une plus grande complexité qui n’arrive pas au terme d’un récit dans lequel Claire, longtemps esseulée, finit par trouver ses semblables, porteurs de miroirs comme d’autres furent porteurs de lanterne. Sans toute la poésie d’un Stevenson, malheureusement.

Petite panne

clef-molettePetite panne
Certains l’auront remarqué… notre site a été bloqué pendant quelques jours, non par une subite panne d’inspiration due à l’été, mais bien par un incident technique, résolu grâce à notre fée habituelle (merci Julie!) et à un nouveau magicien (merci Alexandre).

Merci de votre patience !

Le Pêcheur et les revenants

Le Pêcheur et les revenants
Max Estes

Traduit (anglais) par Génia Catala
La Joie de Lire, 2013

Des pirates en noir et blanc

Par Matthieu Freyheit

Noir etLe-pecheur-et-les-revenants blanc. Comme les non-couleurs du Jolly Roger, ce drapeau en forme de Vanité promenée sur les mers par les pirates en guise de menace autant que de rébellion devant l’ordre du monde, mais aussi devant la vie et la mort elles-mêmes.

C’est bien de vie et de mort qu’il s’agit ici pour ce pêcheur nocturne qui croise la route d’un navire pirate peu commun. C’est peu dire : son équipage est constitué de revenants représentés par des squelettes ou, le plus souvent, de simples têtes de mort. L’insomnie du pêcheur joue-t-elle en défaveur de sa raison ? La légende du Hollandais Volant n’est guère loin, maintes fois reprise en fiction jusqu’à devenir un topos de la fiction maritime et de piraterie, de Mac Orlan aux plus récents Pirates des Caraïbes. Ce que veulent ces revenants ? Une âme fraîche pour s’en repaître, car il faut bien que les fantômes se nourrissent. Celle du pauvre pêcheur, vieil homme sans marlin au bout de la ligne (mais le vaisseau pirate est peut-être la plus grosse prise de son imaginaire), ferait parfaitement l’affaire. Se sauvera-t-il des griffes invisibles de ces pirates aussi immatériels qu’affamés ?

Tout le livre joue précisément sur le visible et l’invisible, sur ce que montre l’alternance du noir et du blanc, mais aussi sur la part du possible et de l’impossible dans cette fiction onirique, insaisissable, dont il vous reste à découvrir la fin.

E-machination

 E-machination
Devenez le héros dont vous rêviez
Arthur Ténor
Seuil,  2013

 

 Entre virtuel  réel

Par Maryse Vuillermet

 

 

 

e-machination image Comment résister au nouveau jeu Héros ? En effet, il vous propose, moyennant une coquette somme et l’achat d’un matériel hautement sophistiqué,  de devenir le héros dont vous aviez toujours rêvé : un petit peu de vous et beaucoup de traits de vos héros préférés au cinéma ou dans les jeux vidéo. Lucile, jeune professeur timide et en mal d’amour, est devenue dans le jeu, Luciole, une superbe combattante à la plastique de rêve, Clotaire, geek terne à la vie ennuyeuse, devient Compagnon d’Ambre, un magnifique guerrier. Leurs avatars sont envoyés en mission dans le jeu, se rencontrent et se plaisent. Mais le lendemain, dans la vraie vie, ils lisent dans la presse que le crime commis dans le jeu a vraiment eu lieu.

Que faire ? Comment comprendre cette horreur qui les rend criminels ? Qui les a manipulés ? Pourquoi ? Contre les règles du jeu, ils vont se rencontrer dans la vie réelle, et former un couple de rebelles, de résistants.

Avec d’autres résistants ? Mais comment les reconnaitre, les réunir ? Ils doivent se méfier de tous !  Le maitre du jeu les a d’ailleurs condamnés à mort !

Le mélange vertigineux de réel et de virtuel est habile et le lecteur plonge avec les personnages dans un monde halluciné et dangereux : peur d’être tué, et surtout de perdre la raison !

Chemin faisant ces deux solitaires apprennent l’amitié, l’amour, la confiance, le vivre ensemble, et la solidarité, finalement, ce n’est pas si mal.