Cour des miracles

Cour des miracles
Henri Meunier (texte) – Jean-François Martin (Illustrations)
Rouergue

Freaks, ou Compère, qu’as-tu vu ?

Par Michel Driol

courmiraclesLe narrateur discute avec tous les personnages improbables qu’il rencontre Cour des Miracles. Deux angelots marron, un éléphant dans un magasin de porcelaine, l’âme sœur, le sage cyclope de Catalogne, l’ornithorynque, une cartomancienne… Ceux-ci lui donnent des leçons de vie ou de sagesse, sa devise : « Pourquoi pas ? », des incitations « Essaye ! Sois touche à tout ». A la fin, le narrateur se retrouve sur le grand boulevard, dont on ne voit pas le bout, et s’y lance, content et rassuré.

Cour des Miracles, bien sûr, on ne rencontre que des monstres et des éclopés : un personnage qui porte sa tête dans son bras, un ours, un éléphant ou un ornithorynque humanisés, un cyclope chauve. Le narrateur lui-même perd dans les dernières pages sa rigidité pour s’onduler, comme une figure de papier. On part donc à l’exploration d’un univers imaginaire  mythique et inquiétant : les illustrations, aux dominantes marron et noir, renforcent ce côté sombre par la présence de nombreux murs en brique  qui enferment les personnages. Les vêtements – chapeau melon,  costumes noirs évoquent les années 20 : le dadaïsme ou le surréalisme.

Qu’est ce qui est beau ? Qu’est ce qui est normal ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Comme dans la monstrueuse parade de Tod Browning, les monstres révèlent leur humanité, leur drôlerie, leur sagesse, leur esthétique  ou leur philosophie.

Le texte, d’une façon très poétique, joue avec la langue « Passer, c’est leur gagne-pain béni, aux anges ! », l’étoile éteinte « m’a confié ses feux, tous intérieurs ». Et ce ne serait pas forcer le texte que d’y lire un art poétique.

A la croisée entre la leçon de sagesse et l’exploration des faces cachées de notre inconscient, l’album nous laisse sur une fin ouverte, à la fois rassurante et inquiétante car le personnage est devenu lui aussi quelque peu mou… et monstrueux, partant à la conquête de la vie.

Un bel album, qui nous interroge sur nos différences, sur nos apparences et qui nous invite à aller au-delà des préjugés et à voir la part d’humanité et de douceur présente en chacun de nous.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *