Renommer

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Sophie Chérer, Philippe Dumas (ill.)

L’école des loisirs (Medium), 2016

La vérité des mots, la force du langage

Par Anne-Marie Mercier

Saviez-vous que Avion était non seulement un dérivé d’avis (oiseau, en latin) mais un acronyme pour Appareil Volant Imitant l’Oiseau Naturel ? Que Freud avait commencé en s’intéressant à la Séduction (dans sa dimension fréquente d’inceste) avant de forger sa théorie de l’Œdipe ? Que le mot bulldozer a désigné à l’origine un groupe de racistes américains ?

Sophie Chérer a pu constater l’enthousiasme des enfants et adolescents (mais aussi de plus grands) devant les origines des mots, le sens caché suggéré par l’étymologie, les familles qu’elle fait deviner, l’extrême richesse de cette « science ». Les guillemets sont là pour exprimer une certaine réserve, non face à ce livre, bien fait et bien écrit, utile et passionnant, mais face au principe qui le sous-tend : les étymologies sont souvent hasardeuses et on ne peut – depuis les excès de certains aux XVII et XVIIIe siècles –  que les prendre avec prudence car la « Vérité » qu’elles proposent est fluctuante et les conclusions qu’on en tire … personnelles – ce qui fait leur charme.

Mais la prudence n’exclut pas la découverte; la jubilation qui parcourt ce livre est contagieuse et efficace : chaque mot donne lieu à une interrogation qui va au-delà de la question des origines et nous amène à notre temps présent. Ainsi, dans la partie intitulée « Nature », les mots « bio », « couleur » conduisent à une réflexion contemporaine… Dans la partie consacrée aux noms propres on découvre non seulement quel personnage a donné son nom à un mot, mais aussi on tire des leçons de la vie de cette personne et des circonstances de cette nomination (Eiffel, Séquoia, Espiègle, Boycot…) La partie consacrée aux sentiments fait l’histoire de l’un (curiosité), propose un mot nouveau pour un autre (mellonalgie), médite encore sur le dévoiement d’autres (religion, psy).

D’autres rubriques (Economie, Langage, Société, Technique), parcourent notre monde avec les mots, pestent contre le « ludique » et ses avatars (je suis bien d’accord, ce mot envahit le langage des jeunes enseignants à tout propos), s’interrogent sur l’évolution du sens du mot laïcité, sur le refus de la morale au profit de l’éthique, sur le fait que la plupart des insultes désignaient au départ des êtres disgraciés par la nature, pauvres, malchanceux…

Instructif… dans tous les sens du mot !

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