Un Aigle dans la neige

Un Aigle dans la neige
Michael Morpurgo, Michael Foreman (ill.)
Traduit (anglais) par Diane Ménard
Gallimard jeunesse, 2016

Entre les lignes de l’Histoire

Par Anne-Marie Mercier

Récit historique ? récit fantastique ? portrait d’une enfance en guerre ? il y a un peu de tout cela dans ce nouveau roman de Morpurgo, et beaucoup de talent pour faire d’une histoire qui aurait pu être purement factuelle, ou édifiante, une mine de questions.

Récit d’une enfance : Coventry, novembre 1940. Le narrateur est dans un train avec sa mère ; il a le bras dans le plâtre, non pas à cause du bombardement allemand qui a détruit sa maison (et tous ses jouets avec, et aussi tué le vieux cheval de son grand père – clin d’œil à Cheval de Guerre ?). Il part avec sa mère se réfugier chez une parente. Le temps du roman est le temps du voyage, d’abord les bruits, le rythme du train, bien rendus, puis la conversation sur les événements récents, avec un homme qui s’est installé dans leur compartiment. Le récit qui faire revivre à l’enfant la peur et les chagrins du bombardement est interrompu par l’attaque d’un avion qui mitraille le train. La longue attente angoissante dans un tunnel où le conducteur du train l’a arrêté occupe la majeure partie du roman qui s’achève avec le redémarrage et l’arrivée.

C’est aussi un récit historique : dans le tunnel, le compagnon de voyage leur raconte l’histoire de William Byron, dit Billy. Morpurgo a créé ce personnage à partir de celui d’un héros réel de la guerre précédente, Henry Tandley, l’un des rares simples soldats à avoir reçu la Victoria Cross pour récompense de sa bravoure et le seul à avoir reçu autant de médailles.

Comment et pourquoi devient-on un héros ? telle est la question à laquelle l’auteur de Soldat Peaceful répond, à sa façon, à travers ce double fictif du personnage réel. On devine que chez Morpurgo l’héroïsme n’a rien d’une fureur guerrière mais naît d’un besoin autre, non pas d’une tendance suicidaire mais une volonté d’agir pour le bien. L’histoire est belle et touchante, comme le personnage de Billy. Les illustrations de Michael Foreman, crayonnées et aquarellées de divers tons de gris font alterner scènes de guerre, tableaux des personnages dans le train et dessins charmants (Billy dessine tout ce qu’il voit).

Mais quelle est la bonne action de Billy qui a eu des conséquences catastrophiques ? Qui est cet homme qui raconte sa vie et semble bien le connaître ? On ne le dira pas. Mais en craquant quelques allumettes pour calmer l’angoisse du jeune garçon que la nuit du tunnel angoisse, il est une voix qui dit la guerre, sa noirceur et les quelques lumières qui y brillent malgré tout. C’est une voix de bord de tombe qui tente de transmettre aussi bien un témoignage qu’un avertissement : le hasard est le maître, incarné par la figure de cet aigle dont on ne comprend le rôle qu’à la fin, à moins que ce ne soit le destin – de qui ?

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