Sauveur et fils, saisons 5

Sauveur et fils, saison 5
Marie-Aude Murail
L’école des loisirs, 2019

Saison genrée

Par Anne-Marie Mercier

Quel plaisir, de retrouver Sauveur Saint-Yves, psychothérapeute à Orléans, et le feuilleton des aventures et mésaventures de ses patients et de sa famille élargie !
Il est veuf, il a un fils, sa compagne a deux enfants, il a recueilli des êtres à la dérive (un vieux repris de justice et un adolescent apathique), divers animaux (essentiellement des hamsters, ce qui explique les images de couvertures des romans, mais aussi un chat diabétique). Ce dernier point donne lieu à des passages très drôles où le psychothérapeute est pris pour un spécialiste en comportement animal, et son cabinet pour une annexe de l’animalerie voisine.
Ce cinquième volume est aussi pour une grande part orienté sur les questions de genre et de différence sexuelle. On a même un glossaire en fin de volume – « dysphorie de genre », « mégenrer », etc. – et un petit dessin pour faire comprendre la différence entre sexe et genre. On y trouve un bel hommage à l’album de Christian Bruel et Anne Bozellec, Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon (Im Media, 1975 ; Le sourire qui mord, 1976 ; réédition Être éditions, 2009, puis Thierry Magnier, 2014). Le roman est rythmé entre autres par le changement progressif et les hésitations d’Ella, devenue Elliot, et par l’histoire dramatique de son ami Kimi, agressé sauvagement par des homophobes. Une autre patiente de Sauveur illustre le cas d’une femme ayant un enfant par PMA. Mais Marie-Aude Murail, tout en portant un regard plein d’empathie sur ces personnages et sur bien d’autres qui rompent avec les normes, ne tient pas un discours univoque et donne différents points de vue. Ainsi, dans ce volume, Louise, la nouvelle compagne de Sauveur, publie une petite BD très proche de celle qui a fait polémique en 2018, On a chopé la puberté (Milan) et elle subit, comme les autrices de cet ouvrage, un déferlement d’insultes sur les réseaux sociaux.  Marie-Aude Murail propose à ses lecteurs une réflexion sur ces auteurs trainés dans la boue, comme elle l’a fait à travers une prise de position ferme à l’époque, et elle présente à travers son personnage la défense que Anne Guillard, l’illustratrice, avait tenté de faire entendre en vain, situant ses dessins dans la lignée de sa série, « Les Pipelettes », elle-même imitée de sa propre vie et de ses conversations avec ses amies proches.  Le personnage de Louise est attachant, à travers cette souffrance, ses tentatives pour avoir un autre enfant, ses conversations avec ses amies (imitées des «Pipelettes»), ses difficultés avec son ex-mari, les problèmes entre ses enfants et lui, en bref, le quotidien (version pessimiste) de certaines familles recomposées.
Mais on aurait tort de croire que ce nouvel opus est un roman à thèse, c’est avant tout une « saison » de série, passionnante, pleine de rebondissements, de temps drôles et d’autres tristes, de personnages touchants, de questions d’éducation, pas toujours (jamais ?) résolues, d’épisodes de cure miraculeux ou calamiteux, pleine d’empathie et de questions. On comprend qu’à la fin Sauveur soit épuisé et rattrapé par son passé…
A suivre: le volume 6 est paru (un régal, plein de suspens en plus) et j’en parlerai très bientôt

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