L’arbre m’a dit
Poèmes de Jean-Pierre Siméon – Encres et pastels de Zaü
Rue du Monde 2022
L’homme qui écoutait les arbres
Par Michel Driol
Près d’une cinquantaine de poèmes-phrases, dont l’incipit est invariablement le titre du recueil : l’arbre m’a dit. Les textes forment une sorte de double dialogue muet dans la mesure où les propos de l’arbre sont répétés par un « je » anonyme, qui mettent en quelque sorte en abyme la sagesse de l’arbre, comme s’il y avait là une double confidence, celle de l’arbre au poète, celle du poète au lecteur. Confidence dans laquelle on entre un peu comme dans cette forêt que Zaü propose sur la couverture du livre, à la fois claire et obscure, dans laquelle la multiplicité des arbres s’oppose au singulier du titre : l’arbre.
L’arbre m’a dit, c’est déjà toute une conception de la poésie comme un secret à partager. Secret d’une sagesse venue non pas des hommes, mais de la nature, comme si l’arbre ici se montrait comme un modèle à suivre. Secrets pour résister à la solitude, secrets pour grandir, secrets pour garder l’espoir. A chacun d’écouter cette leçon de sagesse. Les mots de l’arbre nous parlent dans un langage à la fois simple et imagé, nous confrontent à l’arbre et à ses caractéristiques : son immobilité face à notre désir de voyager, sa permanence victorieuse face à la neige qui revient chaque année. On est dans une poésie de la nature qui est en fait celle de l’attention aux moindres choses, aux plus minuscules détails (l’ombre qui rafraichit, la fleur qui devient fruit, le sourire de l’enfant qui cueille) à laquelle elle donne sens. Cette confrontation entre l’humain et l’arbre ne tourne pas, on s’en doute, à l’avantage du premier. L’arbre se révèle un puits de connaissances, un être pétri de générosité, de patience et renvoie parfois par de simples questions l’homme face à lui-même, à son ignorance de la nature, à son impatience, à sa solitude.
Ces textes sont magnifiquement intégrés aux pastels de Zaü, monochromes évoquant l’arbre dans différents contextes, l’hiver, le brouillard, le bord de l’eau, accompagné parfois d’oiseaux ou d’un enfant. Ces illustrations résonnent avec subtilité aux propos de l’arbre : ainsi ce tas de bois coupé accompagnant L’arbre m’a dit : celui qui me coupe perd un ami. Trois doubles pages colorées, sans texte, apportent comme une respiration au recueil, donnant à contempler une nature vierge dont l’homme est absent. La verticalité de l’arbre est encore soulignée par le format très allongé de l’ouvrage.
Jean Pierre Siméon et Zaü revisitent les rapports entre les arbres et les hommes dans une leçon de sagesse apaisée et apaisante, donnant à voir et à sentir une autre relation au temps ou à l’agitation, et peut-être redéfinir ce qui donne sens à notre existence pour découvrir, comme le suggère le dernier poème, que « finalement, tu n’es qu’un arbre qui parle et qui marche ».