Fille du destin, t. 1 : Les émeutes de la nuit sans lune

Fille du destin, t. 1 : Les émeutes de la nuit sans lune
Kika Hatzopoulou
Traduit (États-Unis) par Thomas Leclere
La Martinière jeunesse (fictions), 2024

Hybridation générale

Par Anne-Marie Mercier

Est-ce un polar, un roman fantastique, de la SF, un roman sentimental, une variation mythologique, une dystopie ? La réponse est oui, de tout un peu et la réunion de tous ces éléments fait de la narration un ensemble original à plusieurs titres.
Le décor est particulier : on se situe après une grande catastrophe qui a inondé les bas quartiers où vivent les pauvres et les déclassés tandis que les riches se sont installés sur la colline (plus tard on comprendra qu’il s’agit de l’acropole d’Athènes). On se déplace en passant par les toits (les héros ne font pas partie des classes favorisées) et sur de fragiles passerelles parfois contrôlées par des gangs. Chaque déplacement est une aventure.
Après une catastrophe majeure (la lune a explosé en plusieurs lunes), des guerres, etc. l’humanité s’est mise à changer : des « nés autrement » sont apparus, porteurs de pouvoirs à la fois nouveaux et très anciens : ils sont apparemment des héritiers des dieux anciens : les nés-horus peuvent soigner les malades et les blessés, les nés-dioscures, les Muses, etc. ont d’autres pouvoirs. L’héroïne, Io, en fait partie : elle est née à l’image des Moires (ou Parques) comme ses deux sœurs. Étant la troisième, elle est celle qui a le pouvoir de couper des fils, fils de vie (provoquant la mort) ou fil d’attachement (provoquant le désintérêt pour ce qu’on a aimé).
La société s’en méfie, les nés-autrement sont mis à l’écart. Pour vivre, Io fait le métier de détective privé : voir les fils permet de retrouver des personnes disparues, savoir à qui ou à quoi elles sont attachées. Elle a aussi  heureusement un sens éthique très fort. Ceci provoque en elle des tourments liés à de nombreux dilemmes insolubles que le lecteur partage avec elle puisque le roman, bien qu’à la troisième personne, suit constamment son point de vue.
L’intrigue commence avec un événement qui lui fait affronter une femme sanguinaire et monstrueuse, au fil de vie déjà sectionné, qu’elle doit tuer.  D’autres « damnées » suivront. Elles semblent viser particulièrement un certain type de personnes, liées à une période violente (les émeutes évoquées par le titre) dont personne ne veut parler. Io enquête, mandatée par la « reine » du quartier, patronne de la pègre locale, en compagnie d’un de ses hommes. Il se trouve que celui-ci est lié à Io par un fil de destin, il est son « promis », en quelque sorte, promis qu’elle avait choisi d’ignorer, et qui, n’ayant pas ses pouvoirs, l’ignore.
Dans cet imbroglio, il y a aussi ses amis (l’une est entrée au service de la police qui traque sa nouvelle patronne), ses deux sœurs (l’une est l’amante de sa patronne, l’autre est fiancée avec le futur maire de la ville qui veut la débarrasser de la pègre…).
Vous suivez ? oui, c’est compliqué. L’auteure n’a pas ménagé ses effets et n’économise pas ses trouvailles pour plus tard. Est-ce bien raisonnable? Un peu de retenue ou davantage de place donnée à l’installation du cadre n’aurait sans doute pas fait de mal. En d’autres termes on pourrait dire que l’univers inventé et l’intrigue sont aussi riches d’invention l’un que l’autre et qu’ils font naviguer le lecteur d’une émotion forte à une autre : montagnes russes garanties, suspense permanent, et surprises à tous les chapitres. C’est un premier tome, les suivants seront sans doute encore plus explosifs…

 

 

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