A la poursuite des animaux arc-en-ciel

A la poursuite des animaux arc-en-ciel
Sarah Ann Juckes – illustrations de Sharon King-Chai
Little Urban 2024

Sera-ce un bon ou un mauvais jour ?

Par Michel Driol

Nora, depuis le départ de son père, est élevée par sa mère qui, depuis quelques temps, souffre de dépression. Des animaux arc-en-ciel, un renard,  puis un lièvre, un corbeau et une loutre lui apparaissent régulièrement. En face habite le grand père de Djibril, qui ne demande qu’à aider Nora. Mais elle refuse toute aide, pensant pouvoir se débrouiller toute seule. Il y a aussi Ben, ancien collègue de sa mère, lorsqu’elle était ambulancière, qui souhaite aussi aider, de même que la directrice de l’école. Mais est-il si facile d’accepter de recevoir de l’aide ? Est-il si facile de pouvoir guérir d’une dépression ?

Voici un roman sensible qui aborde la dépression d’un parent vue par une enfant, la narratrice, débrouillarde certes, mature, mais une enfant contrainte de résoudre toute seule les problèmes de la vie quotidienne, qui s’isole de plus en plus au rythme des mauvais jours ou des bons jours traversés par sa mère. Le tour de force de ce roman est d’entrainer ses lecteurs dans une dimension fantastique, une quête dans laquelle des animaux magiques conduisent Nora vers la seule personne qui pourra lui venir en aide. Par ce procédé, l’autrice introduit du merveilleux et du symbolique dans un récit qui, sans cela, risquerait d’être trop éprouvant pour ses lectrices et ses lecteurs par la réalité glauque qu’il décrirait sans filtre. Les animaux arc-en-ciel nous entrainent donc dans un imaginaire enfantin fabuleux, sans mièvrerie, mais dans lequel chaque animal apporte une qualité. La ruse du renard, capable aussi de voir au-delà des apparences, la prudence du lièvre, toujours en alerte, la perspicacité du cordeau, quoi voit de haut, la sociabilité de la loutre. A cette dimension psychologique et symbolique s’ajoute une certaine vision de l’enfance malheureuse, et de la façon dont les conflits familiaux peuvent avoir des incidences sur les comportements enfantins. Ainsi Nathan, dont la violence reçoit une explication., qui fait contrepoint à Djibril, le timoré, issu d’une famille nombreuse et aimante. C’est enfin un roman d’aventure, dans lequel chacun va se dépasser, Nathan se livrer et s’expliquer, mais surtout Djibril oser et Nora demander de l’aide,  dans un voyage final à la fois épique et réaliste, vers un lieu où tout pourra  se remettre en place, le fantastique comme le réel, autour d’une figure absente, celle du père.

La fiction se suffit-elle à elle-même ? Little Urban termine le roman par une partie documentaire sur la symbolique de animaux, par des trucs et astuces pour ne pas être submergé par ses émotions, par des conseils pour vivre avec un proche en dépression, et par une note de l’autrice, à contenu psychologisant lui aussi.  Des conseils sans doute utiles et cliniquement fondés, qui s’inscrivent bien dans la vogue actuelle du travail sur la maitrise des émotions, qu’on avait plutôt vue jusqu’à présent dans les ouvrages destinés aux plus petits.

Une quête initiatique contemporaine, aux personnages bien dessinés, dans laquelle le merveilleux et le symbolique s’articulent parfaitement avec le réalisme et le psychologique.

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