Le mauvais pli

Le mauvais pli
Juliette Binet
Rouergue, 2017

Passera, passera pas ?

Par Hélène Dérouillac

Voilà un petit album réjouissant qui joue avec les possibilités graphiques et narratives du pli central. Un promeneur tenant une laisse apparaît dès la première page de gauche. Page de droite : une interjection « Aïe ! » qui laisse imaginer quelque mésaventure… Et en effet, le promeneur aura bien du mal à franchir le pli central du livre : sa jambe se tord de drôle de façon, il perd l’équilibre, puis se prend les pieds dans la laisse. Son chien sera-t-il plus malin pour contourner l’obstacle ?

Divisé en trois parties, cet album au format proche est presque sans texte. Chaque section est seulement introduite par une courte interjection ou une question (« aïe ! » « oh ! » « mais ?… »), comme si le narrateur compatissait aux déboires du promeneur et de son chien, confrontés à cette situation étrange : le pli de l’objet-livre devient une frontière invisible difficilement franchissable. Juliette Binet nous propose une série de variations autour du pli central de l’album qui n’est pas sans faire glisser une histoire a priori banale dans une forme d’inquiétante étrangeté…

Une lecture réjouissante pour petits et grands.

 

 

 

 

 

Catalogue des mamies et des papys

Catalogue des mamies et des papys
Lionel Koechlin
Gallimard jeunesse, 2017.

A chacun son papy et sa mamie

Par Hélène Dérouillac

  Chaque double page de cet album brosse des situations mettant en scène grands-parents et petits-enfants. C’est souvent tendre, parfois clonwnesque ou décoiffant. « Grand-papa farine » / « Mamie nourricière », « Mémé marmotte » / « Pépé fausse note »,  « Pépé la main verte/ Mémé langue verte »… les illustrations évoquant la naïveté de dessins d’enfants s’assemblent par paire selon un principe thématique, des associations sonores, ou encore des expressions imagées.

Cette variété est ce qui fait la richesse de l’album. Diversité des appellations (les traditionnels mémé, pépé, grand-mère, etc. voisinent avec des « bon papa » et « bonne maman »  semblant tout droit sortis des romans de la comtesse de Ségur), mais aussi des situations évoquées. Si l’album représente bien sûr des grands-­parents jouant avec les enfants, leur apprenant à jardiner ou à faire du bricolage, les accompagnant avec affection dans la découverte de la vie,  il dépasse avec humour ces situations un peu stéréotypées. Sensible aux mutations sociales de ces dernières décennies, l’auteur met notamment en scène des portraits de femmes intéressants : des grands-mères motardes ou un peu « geek », des femmes encore très actives et ouvertes sur le monde. Intéressant aussi le choix de la première page : un grand-papa farine qui investit avec enthousiasme la cuisine, espace traditionnellement féminin.

Avec tendresse et humour, cet album permet donc de bousculer les stéréotypes de genre. Petit regret cependant : les grands-parents représentés sont tous de type caucasien. Dommage aussi qu’il n’y ait pas à la fin une double page vide (ou deux) pour inviter les enfants à dessiner leur(s) mamie(s) et leur(s) papy(s). Une façon de suggérer que ce type d’inventaire n’est jamais achevé, et qu’il prend une saveur particulière selon chaque famille.