Arnold – Tout ce que je suis

Arnold – Tout ce que je suis
Didier Lévy – illustrations d’Anne-Lise Boutin
Helvetiq 2022

C’est un sujet merveilleusement divers et ondoyant que l’homme

Par Michel Driol

Arnold, c’est un enfant tout petit devant l’immensité du ciel, et géant lorsqu’il parvient à s’exprimer en public, parfois timide, parfois colérique, parfois mollasson, parfois pressé… On le voit, sur chacune des doubles pages, exprimer un état d’âme différent, et pourtant conserver la même identité.

Voilà un album qui associe trois éléments pour parler des divers états d’âme éprouvés par l’enfant. D’abord un texte, très émouvant, à la première personne, à la fois très simple et très concret dans la description et l’évocation des comportements contradictoires du héros, qui fait qu’on les partage avec lui, de façon très empathique. Ensuite, au-dessus du texte, page de gauche, le prénom Arnold, écrit dans des typographies très différentes, expressives et représentatives de l’état d’âme décrit. On le sait, les enfants aiment écrire leur prénom, et voilà ici un beau travail graphique avec les lettres qui composent le prénom. Il y a là un subtil jeu entre l’identité incarnée par le prénom, la stabilité des lettres, et la variété des émotions, états d’âmes, sentiments qui traversent l’individu, qui se trouve être à la fois semblable et différent. C’est enfin une illustration sur la page de droite, pleine de fantaisie et à la limite de la caricature grossissant le trait de caractère évoqué, montrant le héros dans son environnement familier. Ce que dit aussi l’album, c’est la complexité des relations sociales ou familiales, la petite sœur qui rit ou qui pleure, les copains dont on reste éloigné par timidité ou qu’on étonne par des vantardises incroyables. Arnold aidera à mettre des mots sur le monde intérieur complexe de chaque enfant, qui découvrira ainsi qu’il n’est pas le seul à éprouver des émotions contradictoires ou à avoir des comportements opposés.

Un album ludique qui joue avec beaucoup d’originalité sur la graphie du prénom pour illustrer, avec joie, la diversité des façons d’être soi-même.

Infernal Léo, Tendre Max

Infernal Léo, Tendre Max
Irène Cohen-Janca
Editions du Rouergue (boomerang), 2015

Et si on avait plusieurs casquettes ?

Par Clara Adrados

infernal leoDeux petites histoires qui mettent en scène deux frères jumeaux, aussi semblables physiquement qu’aux caractères différents. Le livre est en double face : de chaque coté du livre, une histoire commence.

Max, sage, sérieux, calme… Il est toujours gentil avec ses amis, serviable avec les personnes âgées, poli et sérieux à l’école. Léo, lui, est infernal, il enchaîne bêtises sur bêtises. Tout, l’école, la boulangerie, la maison, tout est un terrain de jeux ! Sa caquette rouge fait peur à tout le monde ! Un jour, les deux frères décident d’échanger leur casquette … et d’échanger ainsi leur vie pour une journée ! Ils naviguent de surprises en surprises, et découvrent ainsi un tout autre monde.

La lecture en double face invite le lecteur à jouer avec l’objet-livre, a le retourner pour découvrir un autre frère, une autre vie. Chaque face, chaque couverture, présente l’un des deux personnages. Le jeu s’instaure sur la polysémie du mot « casquette », pris ici au sens propre (la casquette rouge de Léo et la casquette bleue de Max) mais que l’on peut aussi comprendre au sens figuré (la casquette du gentil et la casquette du casse-cou). Au-delà du jeu, le jeune lecteur est invité à voir que l’on peut « changer » de vie, qu’il est possible de sortir des cases dans lesquelles notre entourage nous cantonne.

Sous l’apparence stéréotypée des personnages et des événements, le ton des narrateurs ouvre les possibles. Max décide de changer de casquette après avoir surpris une discussion de ses parents à propos de son trop grand sérieux : il veut rassurer son père. C’est la volonté de satisfaire ce dernier qui est le moteur du changement. Léo, lui, est celui qui pousse à cet échange de casquette. C’est lui l’instigateur : rien de bien étonnant à cela puisque c’est lui qui imagine les bêtises. Son moteur : l’amour. Léo est amoureux de Charlotte, qui le trouve insupportable sous sa caquette rouge.

Les deux frères obéissent ainsi bien aux caractéristiques de leurs personnalités. Mais ils sortent des carcans attendus lorsqu’ils changent de casquette : ils apprennent à faire autrement et apprécient même quelques découvertes qu’ils font ! Un ouvrage ludique qui montre que l’on est jamais tout noir, tout blanc, et que c’est parfois agréable de réagir autrement que selon son habitude !