Le Nombril du monde

Le Nombril du monde
Anne Laval
Rouergue 2017

Le petit bonhomme dans le paysage

Par Michel Driol

Pour son anniversaire, Nina, la femme de Victor Bonenfant, cartographe, lui offre les coordonnées d’un territoire inconnu, dont personne n’a jamais encore fait la carte. Victor s’embraque avec son chien Nemo et découvre un pays inconnu et étrange où les poissons volent, où l’on traverse des forêts d’algues. Petit à petit, Victor perd ses instruments, ses cartes, rencontre des chasseurs-pêcheurs, et se sent complètement perdu. Il trouve enfin un puits… et la mer reprend sa place. Victor peut alors retrouver Nina et la remercier pour ce cadeau.

Voilà un album original et déconcertant apriori. Il reprend le schéma classique de l’explorateur qui, petit à petit, se voit contraint d’abandonner ses outils, de modifier le but premier de sa quête, pour trouver autre chose. Ce que Victor apprend, c’est que tout ne peut être cartographié, et qu’il faut observer autrement le monde, pour y trouver des trésors qui lui rappellent Nina : un corail, une dentelle d’algue. Ce que Victor perd au cours du voyage, c’est son « costume » de cartographe et ce qu’il trouve, c’est une autre identité et une autre place dans le monde, plus proche du sensible que du rationnel. Mais tout ceci, Nina le savait déjà : dans ses yeux, en faisant le cadeau, il y a une façon de dire qu’elle sait quelque chose qu’il ne sait pas, phrase qu’on retrouve à la fin du livre : maintenant ils savent tous les deux la même chose. On le voit, il est question d’amour, de rapport au monde, au savoir, à la connaissance de soi, des autres et des choses à travers un voyage initiatique qui a recours aux codes du fantastique : les objets dans la poche prouvent que ce n’était pas un rêve. La narration centrale est le journal de voyage tenu par Victor : on suit ainsi les jours, jusqu’au moment de la perte de la notion même de temps. Reste à s’interroger sur le sens du titre : le nombril, c’est la cicatrice trace d’un lien indispensable entre l’homme et le monde, lien que chacun d’entre nous est invité à (re)découvrir.

Un bel album poétique, qui suggère plus qu’il ne dit, et laissera chacun libre de l’interpréter à a façon. Les illustrations en pleine page accompagnent ce récit de paysages fabuleux et stylisés, dans lesquels le lecteur est invité à se perdre.