Nous voulons tous le paradis – Le Procès

Nous voulons tous le paradis –  Le Procès
Els Beerten
La Joie de lire encrage 2016

Le chagrin des Belges

Par Michel Driol

nous1947 : Ward, jeune flamand  qui s’est engagé dans la SS, pour lutter contre les Russes, décide de rentrer en Flandre pour se constituer prisonnier. Il sait qu’il risque la peine de mort pour avoir été du côté des nazis. En prison, il apprend qu’on l’accuse en fait surtout d’avoir tué Théo, un membre de la résistance, avec lequel il entretenait pourtant des liens de sympathie. Le procès qui va avoir lieu pourra-t-il faire éclater une vérité dérangeante, et que personne, ni le vrai coupable, ni Ward, ne veulent révéler ?

On peut lire le tome 2 sans avoir lu le premier, mais, disons le tout de suite, cela donne envie de lire le tome 1. Voici un roman polyphonique choral ambitieux. Sans doute au début on a un peu de mal à saisir qui parle dans ces multiples narrations en « je » qui fragmentent la réalité, en donnent des échos et des points de vue forcément partiels. Entre la voix de Ward, qui raconte la guerre, le front russe, celle de Renée son ancienne fiancée, celle de Rémi, le petit frère qui ne comprend pas tout à ce monde d’adultes et de nombreuses autres voix, la vérité a bien du mal à se faire jour. Le lecteur y comprend la manipulation par les nationalistes pro-nazis du VNV, le clergé, qui font de Ward et de son idéalisme une victime plus qu’un bourreau, attaché à un sens de l’honneur qu’on lui a inculqué, et à un désir de protection des autres, de ses amis, au-delà des clivages que la guerre a produits. Où est le bien ? Où est le mal ? La force de ce roman est de montrer des personnages déboussolés dans un monde qui a perdu ses valeurs et ses repères. Seule la musique les relie peut-être, comme un ténu trait d’union, à l’image de la fanfare dans laquelle tous ont joué. Mais là aussi les choses sont fragiles : le local de répétition brûle. L’épilogue, en 1967, scelle dans un cimetière  le destin de ces personnages attachants, courageux, lâches, victimes, bourreaux… humains finalement.  Si tous ont voulu et cherché le paradis, qu’ont-ils trouvé ?

Un beau roman pessimiste qui s’adresse à la fois aux adolescent-e-s ayant quelques connaissances de l’histoire de la seconde guerre mondiale  et aux adultes. Mais, au-delà , un roman très contemporain et actuel qui invite à s’interroger sur le libre arbitre, les choix individuels et le poids des idéologies.

 

Hôtel des voyageurs

Hôtel des voyageurs
Marie-Vermande-Lherme

Flammarion Jeunesse, 2011

Découvertes en cascades

                                                                                                             par Maryse Vuillermet

  La narratrice a quatorze ans en 45. Elle est envoyée  par ses parents aider son oncle et sa tante qui tiennent  l’Hôtel des Voyageurs à Frayssac dans le Lot. Elle participe au ménage, au service  avec sa cousine Jacky et s’occupe  du petit Marceau, 5 ans.  Mais très vite, sous les apparences, elle découvre un autre monde, celui de la seconde guerre,  toute proche. Marceau est en fait le fils de deux disparus, Jackie  quitte sa chambre la nuit, le jeune homme qu’elle rencontre au village est traité par les autres de « collabo ». Elle apprend  que d’autres jeunes du village sont portés disparus, dénoncés par un traître. Les haines, les rancœurs, les douleurs  sont tout autour d’elle.

Peu à peu, elle arrive à démêler l’écheveau. Dans ce village, comme tant d’autres, les Français ont montré parfois un visage double. « Il y a de sales gens ici », lui confie sa cousine. Et la vérité éclate enfin avec le retour d’un disparu, un beau coup de théâtre.

J’ai bien aimé ce roman, on s’attache à ces jeunes, on se laisse embarquer par de nombreux coups de théâtre et révélations.  

Et le point de vue est intéressant :en toile de fond,  la guerre, l’Occupation, la collaboration,ses arrestations ses dénonciationssont vus, supportéset jugéspar des personnages jeunes de cette époque.