L’Ami du grenier

L’Ami du grenier
Mamiko Shiotani
La partie 2023

Le fantôme et la fillette

Par Michel Driol

Un petit fantôme, capable de changer de taille, un peu effrayé par le monde extérieur, vit tranquillement dans un grenier. Lorsque la petite fille de la maison vient explorer le grenier, il veut l’effrayer pour la faire partir. Sans résultat. Il décide alors de se glisser dans la chambre de la fillette, en pleine nuit. Mais la fillette, pas effrayée pour deux sous, lui propose de venir jouer avec elle le lendemain.

Belle histoire d’amitié entre deux personnages que tout oppose : un fantôme et une vivante, l’un peureux et l’autre intrépide, un garçon (à en croire les déterminants) et une fillette. C’est d’abord un album à regarder pour la magie de ses illustrations au fusain, dans des dominantes sombres, une ambiance de grenier mystérieux et un fantôme tantôt blanc, tantôt transparent. C’est tout l’univers du grenier qui est dessiné, grains de poussière et rais de lumière, avec ses objets abandonnés, des valises, un cheval de bois… abandonnés comme ce fantôme qui se trouve bien parmi eux, qui ne rencontre de couleurs qu’à l’extérieur, les couleurs bleu sombre de la nuit étoilée. Lorsque parait la fillette arrivent d’autres couleurs, couleurs de ses différents vêtements, au fil des pages, au fil des jours. Du bleu, du jaune, du rouge. Rien que ce procédé graphique illustre à merveille la façon dont l’univers du fantôme est perturbé. Ajoutons à cela la représentation de ce fantôme qui en fait un personnage sympathique, tout en rondeurs et en courbes, comme l’avatar d’un Barbapapa dont le rose aurait disparu. Du fantôme on retiendra d’abord les deux grands yeux blancs ouverts sur le monde, comme disant l’attente de quelque chose, d’un ou d’une autre. Ces grands yeux sont aussi ceux de la fillette, et, de prime abord, on se dit que ces deux là sont faits pour s’entendre. C’est aussi la variété des cadrages qui contribue à donner vie à cette histoire : plongées, contreplongées, gros plans, ou encore la façon dont le fantôme s’inscrit dans un autre rond, celui du hublot de son grenier, comme un ventre protecteur ?

Cette histoire d’amitié est aussi une histoire de territoires. Le grenier et la chambre, deux espaces sentis comme privés qui sont envahis par l’autre. Ce que le fantôme ressent comme une intrusion, ce que la fillette ressent comme un atout. D’où l’étrange négociation finale : la fillette renonce à aller au grenier si le fantôme vient jouer dans sa chambre. Ce serait plus drôle de jouer à cachecache au grenier, pense finalement le fantôme, qui serait alors prêt à accepter l’étrangère chez lui.

Le texte, traduit du japonais par Alice Hureau, épouse le point de vue du fantôme, ses pensées, ses sentiments, dans une langue simple qui fait la part belle au monologue intérieur du fantôme… comme une façon de suggérer qu’il n’a personne avec qui parler.

Cet album qui s’inscrit dans les récits de fantômes japonais, n’a rien de sombre ou de terrifiant. Lumineux, il raconte la rencontre et l’amitié naissante dans une maison représentée avec une foule de détails pittoresques.