BZRK

BZRK
Michael Grant

Traduit (anglais, États-Unis) par Julien Ramel
Gallimard Jeunesse, 2012

BZRK ? Vous avez dit BZRK ?

Par Matthieu Freyheit

BZRKJe ne vous présente pas Michael Grant. Auteur de la série Gone et co-auteur (avec son épouse) d’une autre série, Animorphs (qui bénéficie d’une nouvelle édition, voir notre chronique du 8 novembre dernier), Grant n’est pas un anonyme des succès. Dans cette nouvelle trilogie en cours, l’infiniment petit met en jeu l’infiniment grand par le truchement des fascinantes et effrayantes nanotechnologies. Lorsque le milliardaire Grey Mc Lure décède avec son fils (il n’y a pas d’accident dans les sourdes guerres de Michael Grant), il laisse derrière lui l’empire de ses innovations technologiques et pharmaceutiques. La plus importante d’entre elles : les biobots, hybrides d’adn et de nanotechnologie, capables d’évoluer à l’intérieur du corps afin de soigner les cellules malades. Dans ‘la viande’, comme disent les initiés.

Bien entendu, la nanotechnologie Mc Lure fait des envieux et donne naissance aux espérances les plus folles. Parmi les concurrents, le groupe Nexus Humanus vise, comme son nom l’indique, un nouveau stade de l’évolution humaine (encore un !) : « une interconnexion globale de tous les individus qui la composent ». La condition à cette utopie technologique ? Abolir le libre-arbitre au profit d’une pensée unique dirigée vers le bien commun, mais indifférencié. Une condition que n’accepte pas le mouvement adverse : le BZRK (de go berzerk, disjoncter, sorte d’équivalent au germanique Amok laufen).

D’où une bataille sans merci entre les deux groupes, livrée à échelle macro mais aussi, évidemment, à échelle nano, avec tous les risques que cela comporte : car lorsque les biobots d’un agent sont détruits, celui-ci sombre dans la folie… C’est ce qui arrive à Alex, alias Kerouac, le frère de Noah. Noah ? Le héros de l’histoire, embrigadé presque malgré lui au sein du BZRK afin de remplacer son frère. Il fera équipe avec Sadie Mc Lure, dernière héritière de l’empire paternel, enrôlée elle aussi.

Michael Grant fait preuve d’une belle originalité dans le sujet, et s’y tient dans une écriture aux prises avec le réel que nous connaissons comme avec l’infime corporel : la viande promet quelques voyages intéressants dans une nouvelle géographie de l’aventure. Les deux réalités se combinent et se superposent, conférant à l’ensemble un rythme plutôt enlevé. On aurait bien échappé à quelques stéréotypes désormais éprouvés et éprouvants (pourquoi faut-il que les yeux des héros soient toujours d’une couleur ‘surnaturelle’ ???), mais l’ensemble fonctionne fort bien et le sujet se précise au fil des chapitres. Les personnages secondaires possèdent un véritable relief, l’auteur fait preuve de constance, et trouve également un bel équilibre entre la complexité d’un thème et l’efficacité de sa mise en œuvre. Michael Grant, qui a les qualités d’un autre Michael (Crichton), donne à la science-fiction un volume réfléchi et dénué de niaiserie, même si le style reste parfois convenu. Il reste à espérer que le deuxième tome, déjà en librairie, confirme la valeur (et surtout la nécessité) d’une trilogie, au détriment d’une forme plus ramassée.