La Chanson de Martin – Martin’s Song

La Chanson de Martin – Martin’s Song
Jane Méry – lu et chanté par Camille Claris et Andrew Paulsen
Trois petits points 2020

Chanson engagée…

Par Michel Driol

Alors qu’elle rentre de New York avec ses parents, Rose, une fillette d’une dizaine d’années, se retrouve en plein champ de tournesols, face à Woody, un musicien qui lui apprend le premier couplet de la Chanson de Martin. De retour à Paris, elle doit faire un exposé en anglais sur un personnage. Bien sûr, elle choisit Martin, cet enfant noir né dans les années 20 dont Woody a commencé à lui chanter l’histoire. Plusieurs fois, Woody réapparait, lui parle de folksong, de protest song, elle découvre la ségrégation et la condition des Noirs aux Etats-Unis. Au lieu de faire son exposé, elle chante la chanson de Martin, qui s’est enrichie de nombreux couplets. C’est alors qu’elle apprend l’identité de Martin, sa fin tragique. Mais Woody est là pour lui donner une leçon d’humanité et d’espoir.

Sur un canevas somme toutes classique (la biographie d’un personnage célèbre présenté au travers de recherches et d’un exposé fait par un enfant), ce livre audio présente de nombreuses originalités. D’abord par l’utilisation maitrisée du fantastique, avec le personnage de Woody (hommage à Woody Guthrie) qui a la capacité d’apparaitre et de disparaitre, et surtout d’être un extraordinaire passeur. Ensuite par l’association faite entre un choix musical (le bluegrass, la musique folk) et la biographie de Martin Luther King. Martin’s song rejoint ainsi les grands classiques des protest songs, comme Song For Sonny Liston (que l’on retrouve dans la Chanson pour Sonny d’Ahmed Kalouaz ), Who Killed Davey Moore, ou encore la Complainte pour Angela Davis (Guillevic/ Francesca Solleville). La chanson pour Martin n’est pas donnée entière d’emblée, mais se construit couplet après couplet, faisant ainsi découvrir les épisodes marquants de la vie de Martin Luther King, comme autant de petits flashs (l’enfance, le soutien à Rosa Parks, la lutte pour les droits civiques…). C’est aussi tout l’arrière-plan ségrégationniste qui est évoqué (avec en particulier l’allusion à la chanson Strange Fruits de Billie Holiday). Au-delà de la musique folk américaine, l’album s’ouvre à d’autres musiques folkloriques, c’est-à-dire populaires, au sens fort du terme. On a ainsi l’évocation de la Commune de Paris, à travers le Temps des cerises, magnifiquement et sobrement interprété a capella à deux voix. Woody explicite et défend le rôle d’une chanson folk qui est de raconter la vie, le travail du peuple : on a alors une perspective universaliste et non simplement axée sur les Etats Unis ou la France. L’album est donc à la fois une initiation à l’anglais (la version audio fait le choix de ne pas traduire Martin’s song – parfois chantée par Rose dans un anglais au fort accent français), une initiation au contenu politique de la chanson engagée, et une ode à la diversité du monde, aux multiples cultures populaires.

Sur le livret d’accompagnement, on trouve à la fois le texte anglais de la chanson et sa traduction en français, mais aussi un lexique dans lequel sont commentés et traduits des mots américains que l’on entend dans l’album, mots liés à la ségrégation et à la lutte pour les droits civiques, mais aussi à la musique.

Un livre audio au contenu humaniste insufflant l’espoir dans un monde plus ouvert, moins fanatique, et qui s’inscrit avec bonheur dans une forme musicale juste et appropriée.

On pourra écouter un extrait audio sur le site de la maison d’édition  : http://www.troispetitspoints.audio/