Journal d’un amnésique

Journal d’un amnésique
Nathalie Somers
Didier jeunesse, 2019

En immersion

Par Christine Moulin

Il n’aura échappé à personne que les amnésies totales sont plus fréquentes dans les romans et les séries que dans la réalité. Voici donc, encore une fois, le récit, sous forme de journal intime, d’un adolescent, Romain, qui a été retrouvé inconscient dans un couloir de son lycée et qui se réveille sans plus rien savoir de son passé.

La narration est habile: comme le veut le genre, le lecteur partage les angoisses du personnage et ses vains efforts pour évoquer quelques souvenirs. Et comme souvent, des indices dérangeants, qui soulèvent beaucoup de questions, sont distillés tout au long des pages: pourquoi son portable a-t-il disparu? Pourquoi l’atmosphère est-elle si pesante chez Romain? Pourquoi ses parents semblent-ils lui cacher des éléments de sa vie d’avant? Qui était vraiment Romain? Celui qui écrit ou un autre, moins « cool », plus renfermé (interrogation que résument assez bien ces quelques lignes de la page 34: « Je me rends compte que je viens d’écrire un truc complètement idiot. Qu’est-ce que ça veut dire « si j’étais quelqu’un d’autre » puisque je ne sais pas qui je suis? »)?

Ce sont ces  incertitudes sur l’identité qui font l’intérêt majeur du roman: finalement, l’amnésie de Romain, la seconde chance qu’elle lui propose, semblent en quelque sorte la métaphore de ce qu’exige l’adolescence, la lutte pour l’indépendance et la nécessaire affirmation de soi: il faut notamment apprendre à dire « non » quand c’est non, mais aussi tenter de se connaître et de se définir autrement qu’à travers le regard et le désir des autres.

Il est dommage que cette justesse dans l’enjeu de la quête de Romain ne se retrouve pas complètement dans la construction des personnages, un peu trop caricaturaux et stéréotypés parfois. Mais cela ne nuit pas à l’intérêt du roman, solidement construit pour faire durer le suspens et pour faire en sorte que le lecteur s’attache et s’identifie au héros.